02 mars 2021
La taxonomie de la finance durable : la Commission ne doit se priver d’aucune des solutions bas carbone
La création d’une taxonomie européenne doit permettre, une fois mise en place, d’identifier les secteurs d’activités qui contribuent de manière durable à l’atteinte des objectifs climatiques de l’Union. Elle conditionnera l’accès aux financements et donc les investissements pour de nombreuses années. Un débat décisif pour l’avenir des filières décarbonées est engagé depuis la fin de l’année dernière : quelles filières, et en particulier quelles filières de production électrique, vont être considérées comme « durables » ? Dans sa stratégie de long terme vers la neutralité carbone en 2050, la Commission avait défini une feuille de route reposant sur une large palette de technologies bas carbone, certaines pilotables et d’autres variables, pour assurer la sécurité d’approvisionnement au meilleur coût. Dans leur état actuel, les projets de la Commission peuvent légitimement inquiéter le secteur électrique français, qu’il s’agisse de nucléaire, d’hydro-électricité ou de production d’hydrogène par électrolyse. L’UFE, en coalition avec d’autres associations nationales de différents pays européens, est engagée dans le débat en faveur d’un traitement équitable des technologies bas carbone nécessaires pour atteindre nos objectifs ambitieux de neutralité carbone.
On accuse souvent les entreprises de communiquer sur quelques paramètres environnementaux ou climatiques qui leur serviraient de caution verte. La Commission européenne a voulu s’attaquer à ces pratiques qui sèment le doute en créant un cadre législatif de la finance durable. La clef de voute du dispositif est la nomenclature des activités économiques (taxonomy en anglais) en fonction de leur durabilité :
- Les activités durables contribuent substantiellement à l’atteinte d’au moins un objectif environnemental parmi les six recensés dans le Règlement, sans nuire significativement à un autre (condition dite DNSH – « Do no significant harm » en anglais) ;
- Les activités de transition pour lesquelles il n’existe pas de solution de remplacement bas carbone, mais dont les émissions de gaz à effet de serre correspondent aux meilleures performances du secteur, et qui s’inscrivent dans une trajectoire de décarbonation.
- Les activités habilitantes permettent d’exercer les activités durables (ce sont par exemple les activités qui permettent de fournir les composants ou les combustibles nécessaires à certaines filières)
Des actes délégués devront préciser les indicateurs de performance clés à respecter permettant ainsi de classifier les activités. Un premier projet d’acte délégué a été mis en discussion en fin d’année dernière. Celui-ci doit fixer les critères pour déterminer les investissements qui répondent aux objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
Dans le projet soumis à consultation en décembre dernier, l’éolien et le photovoltaïque, sont présumées durables. En revanche, l’hydro-électricité est soumise à de fortes restrictions : chaque projet doit justifier son niveau d’émissions (inférieur à 100gCO2e/kWh) ou répondre à un critère de densité (supérieur à 5 W/m2) et des contraintes sur la gestion des eaux peuvent paralyser des installations. En outre, les stations de pompage (STEP) – qui constituent des sources décarbonées de flexibilité pour le système électrique – ne rempliraient pas les conditions. Par ailleurs, le nucléaire est pour l’instant exclu de l’Acte Délégué, faute d’accord à Bruxelles, et il ne pourra être réintroduit que sous réserve de conclusions favorables d’un comité d’experts. La production d’hydrogène doit se conformer à un critère d’émissions tellement bas que même l’électricité du réseau français ne permet pas de le respecter. Enfin, le gaz fossile est exclu avec un seuil d’émissions de CO2 de moins de 100g par Kwh, sauf pour les centrales fossiles munies de CCUS ou installations de biogaz.
Les conséquences potentielles de ce type de classement pour le nucléaire mais aussi l’hydraulique, les bioénergies ou l’hydrogène bas carbone seront importantes. Cette classification aura aussi des conséquences sur d’autres outils de la politique européenne comme le régime des aides d’Etat en cours de révision par la Commission, sur le financement par les fonds communautaires, notamment à l’occasion du Plan de relance, ou encore sur d’autres outils de politique européenne structurants pour l’industrie française : le mécanisme de capacité, qui rémunère les CCGT, les TAC etc. ou les dispositifs d’aide en faveur des électro-intensifs.
Les discussions européennes autour de cette classification sont désormais entrées dans leur phase finale. L’UFE appelle la Commission à une approche pragmatique et ouverte à toutes les technologies bas-carbone pouvant contribuer efficacement à la réduction des émissions de GES, en incluant l’hydroélectricité, le nucléaire pour les pays qui ont ou feront ce choix, voire le gaz à la place du charbon dans les pays où une partie importante de la production d’électricité en dépend.
Tel est le sens de la déclaration commune signée par 9 associations nationales qui réaffirme la nécessité de développer les sources de production renouvelables et d’adapter les réseaux pour intégrer une part croissante de renouvelables dans le système électrique européen, tout en mettant en œuvre une combinaison de moyens de production qui concilie efficacité économique et sécurité d’approvisionnement avec des outils de production pilotables bas carbone. Les textes régissant la finance durable doivent mettre les technologies décarbonées sur un pied d’égalité, ce qui n’est pas le cas du projet actuel. La finance durable doit soutenir les filières exposées à des risques élevés, notamment de marché et financement, sans quoi l’investissement décarboné sera ralenti, et les projets seront grevés d’une prime de risque que supportera, en dernier ressort, le consommateur.
Bien sûr les grands textes du Green Deal sur les émissions, les ENR et l’efficacité énergétique sont essentiels avec leurs chiffres symboliques qui seront brandis dans les débats. Pour autant, comme souvent, des enjeux essentiels se nichent dans les « détails techniques » des réglementations. De l’issue du débat en cours dépendent le traitement équitable des filières bas-carbone et la réussite d’une décarbonation économiquement efficace, en faveur desquels l’UFE s’est engagée de longue date.
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