22 janvier 2024
Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France, réponse de l’UFE
La France était en 2018 l’une des premières nations à annoncer un plan national de déploiement de l’hydrogène et à en transposer des éléments dans un cadre législatif[1]. La stratégie nationale pour le développement de l ’hydrogène décarboné a par la suite été présentée en septembre 2020, dans le cadre du plan « France relance », et comportait tout particulièrement une stratégie d’accélération du déploiement de la production d’hydrogène par électrolyse et de son utilisation afin de faire de l’hydrogène et de ses technologies un pilier de la relance écologique et industrielle française.
Au regard du double objectif de transition écologique et de souveraineté énergétique poursuivi, et compte tenu de la structuration rapide de la filière hydrogène en France et à l’étranger, l’UFE soutient pleinement la nouvelle orientation du Gouvernement proposée à travers la mise à jour de cette stratégie. En effet, proposer une vision précise sur le long terme à toute la filière hydrogène française permet d’accélérer la structuration de son tissu industriel et d’optimiser les synergies avec les autres secteurs clés de la transition énergétique, au premier rang desquels le système électrique bas carbone, maximisant ainsi les chances d’atteindre les objectifs climatiques, énergétiques, industriels et de création d’emplois.
Sur le développement de la capacité d’électrolyse
La stratégie réaffirme l’objectif d’installation d’une capacité de production électrolytique d’hydrogène de 6,5 W en 2030 et propose un nouvel horizon de 10 GW en 2035, étant précisé qu’entre 2,5 et 3 GW de capacités ont déjà été sécurisées. L’UFE estime que ces objectifs sont ambitieux mais bienvenus en cela qu’ils confirment le soutien prioritaire accordé à la production domestique d’hydrogène par électrolyse de l’eau, mode de production capable de garantir le caractère décarboné de l’hydrogène produit. En effet, l’approvisionnement électrique des électrolyseurs pourra s’appuyer durablement sur le mix électrique français bas carbone, que ce soit pour assurer une production d’hydrogène décarboné au plus près de ses usages grâce à une connexion au réseau, ou bien à travers une association avec une installation renouvelable ou nucléaire dédiée. À ce titre, l’UFE se félicite de l’affirmation d’un principe de neutralité technologique entre l’hydrogène renouvelable et l’hydrogène bas-carbone. Ce principe, qui repose sur une approche scientifique guidée par l’urgence climatique et qui requiert un suivi des performances de décarbonation effectives pour chaque technologie, devrait se traduire dans les différents dispositifs de soutien (cf. infra) et nécessite un portage constant auprès des institutions européennes. Aussi, les mécanismes de soutien pourraient adresser l’ensemble du spectre de la filière hydrogène, via des fenêtres dédiées par taille de projet, d’une part afin de ne pas brider la concurrence naissante entre les acteurs en laissant la porte ouverte aux développements de projets d’électrolyseurs de taille intermédiaire et, d’autre part, afin de soutenir l’ensemble de la chaîne de valeur industrielle en couvrant l’ensemble des usages.
De plus, la bascule vers l’hydrogène électrolytique étant fortement conditionnée par les niveaux de prix de l’électricité, l’UFE soutient le développement de contrats d’achat de long terme d’électricité qui apportent stabilité et prévisibilité des prix et des volumes aux producteurs d’hydrogène, et considère en ce sens nécessaire d’œuvrer pour améliorer la profondeur du marché des PPA en France.
Enfin, l’UFE rejoint l’objectif prioritaire de substituer la production actuelle d’hydrogène fossile par une production décarbonée pour les secteurs actuellement consommateurs de cette molécule (engrais, raffinage, chimie), puis de répondre aux besoins d’hydrogène décarboné des nouveaux usages en les priorisant (production d’acier, mobilités lourdes) compte tenu de l’important volume d’électricité que mobilise la production par électrolyse.
Sur le rôle de l’hydrogène dans la flexibilité du système électrique
En phase avec un axe clé de la nouvelle stratégie, l’UFE soulignait, dans le cadre de sa contribution à la consultation sur le futur mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné[2], l’intérêt technique et économique pour le système électrique à bénéficier d’un écosystème hydrogène flexible. Or, les analyses à l’horizon 2030 anticipent un déploiement de premiers électrolyseurs avec peu de possibilités de flexibilité[3]. En ce sens, il est nécessaire de poursuivre les réflexions relatives à l’imbrication du cadre économique de rémunération des effacements dans le modèle économique des électrolyseurs, et de poursuivre les échanges techniques portant sur les contraintes techniques afférentes, telles que les possibles effets des modulations de charge sur la fiabilité des équipements et la compatibilité avec le besoin en approvisionnement stable en hydrogène de l’industrie.
En outre, la disponibilité de sites de stockage géologique en cavités salines pourrait constituer un facteur limitant pour assurer de la flexibilité. En effet, les deux sites identifiés et cités par la stratégie près de Lyon et Fos-sur-Mer devraient présenter une capacité cumulée de stockage d’environ 6 050 tonnes d’hydrogène à horizon 2030[4]. Le projet HySow situé en Nouvelle-Aquitaine annonce pour sa part un potentiel de stockage d’environ 15 000 tonnes d’hydrogène à horizon 2030, mais son état d’avancement actuel amène à considérer l’atteinte de cet objectif comme très incertaine[5]. À titre de comparaison, les besoins mis en évidence par RTE s’élèvent quant à eux entre 12 000 et 20 000 tonnes de capacités de stockage d’hydrogène en 2030, puis jusqu’à 80 000 tonnes en 2035[6].
Sur le rôle clé du soutien public
Les soutiens publics sont clés pour rendre l’hydrogène électrolytique français compétitif, en sus des enjeux relatifs aux prix de l’électricité, des énergies fossiles et des quotas d’émission. À ce titre l’UFE, qui avait proposé des ajustements au projet de cahier des charges du futur mécanisme de soutien par appels d’offres[7], appelle le Gouvernement à lancer la phase de dialogue concurrentiel dès le premier trimestre de cette nouvelle année 2024. Tout délai supplémentaire accroît le risque que des lauréats à la première tranche d’appel d’offres ne puissent respecter la clause de mise en service de leurs installations au plus tard le 31 décembre 2026, aussi l’UFE réitère sa proposition d’assouplir ce critère. Par ailleurs, l’UFE pointe tout particulièrement le signal négatif envoyé à la filière hydrogène lié au raccourcissement de la durée de soutien de 15 à 10 ans annoncée dans la nouvelle stratégie, raccourcissement qui risque de diminuer la rentabilité de nombreux projets et donc le nombre de candidats.
Plus largement, les inclusions récentes de l’hydrogène renouvelable et de l’hydrogène bas carbone au sein de la TIRUERT constituent des signaux fiscaux nécessaire au bon développement économique de la filière. Néanmoins, en lien avec le principe de neutralité technologique mentionné précédemment, l’UFE plaide pour une égalité de traitement dans les coefficients multiplicateurs entre l’hydrogène renouvelable et l’hydrogène bas-carbone dans la TIRUERT. Enfin, soucieuse d’embarquer l’ensemble des secteurs économiques vers l’objectif de neutralité carboné, dont le secteur agricole, l’UFE soutient la mise en place du mécanisme bonus-malus incitant à réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à la production des engrais azotés évoqué dans le projet de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie soumis à consultation fin 2023.
L’accès à un hydrogène décarboné à bas coût est une préoccupation partagée par tous les États membres de l’Union européenne, il est donc important de constituer des champions industriels européens de l’hydrogène, sur tous les maillons de la chaîne de valeur. L’UFE salue donc l’ambition de la stratégie de privilégier la constitution et le soutien au renforcement d’une filière industrielle sur l’ensemble des produits et technologies clé, au premier rang desquelles les électrolyseurs et les piles à combustible, en anticipant dès aujourd’hui les enjeux en termes de ressources.
Enfin, les pouvoirs publics jouent un rôle clé pour augmenter l’attractivité et la visibilité de la filière. L’accès à une main d’œuvre nombreuse et qualifiée constitue d’ores et déjà un goulot d’étranglement pour le développement de nombreuses filières vitales à la réalisation de la transition énergétique, de plus en plus en concurrence entre elles pour attirer les bons profils. Mobilisée pour mettre à jour l’EDEC de la filière électrique, l’UFE soutient donc les actions de l’État et des collectivités locales en la matière.
Sur le besoin de développement des infrastructures
Alimenter en électricité les hubs de consommateurs industriels d’hydrogène où se déploieront dans un premier temps les électrolyseurs nécessite une augmentation des capacités d’accueil du système électrique. Plus largement, le renforcement des réseaux de transport de distribution, planifié par les gestionnaires de réseaux, constitue un investissement sans regret compte tenu des besoins d’électrification de l’économie française liée à sa transition vers la neutralité carbone.
Par la suite, ces hubs sont susceptibles de s’interconnecter ultérieurement entre eux voire avec des bassins situés dans des pays étrangers. Dans ce contexte, l’UFE est en phase avec la vision des pouvoirs publics cherchant à équilibrer une logique de production nationale d’hydrogène décarboné en visant une réduction des coûts, et une ouverture aux importations d’hydrogène ou de ses produits dérivés, dès lors que ceux-ci sont disponibles de manière compétitive et décarbonée.
[1] MTE, « Plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique », juin 2018 & Loi n° 2019-1147 du 9 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat
[2] UFE, « Contribution de l’UFE à la consultation sur le mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné », octobre 2023
[3] Dans la configuration de référence de RTE à horizon 2030, environ 30 % d’électrolyseurs fonctionneraient en bande sans effacement possible, 45 % seraient effaçables ponctuellement et 25 % seraient flexibles (Bilan prévisionnel 2023, Chapitre 2 : Consommation).
[4] 6 000 tonnes de stockage potentiel pour le site de Géométhane à Manosque, plus 50 tonnes pour le projet Hypster à Étrez.
[5] Un appel à manifestation d’intérêt s’est déroulé en 2023 afin d’identifier les besoins des acteurs régionaux, nationaux et européens en infrastructures pour l’hydrogène dans le sud-ouest de la France.
[6] RTE, « Bilan Prévisionnel 2023-2035, Chapitre 2 : La consommation », octobre 2023
[7] UFE, « Contribution de l’UFE à la consultation sur le mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné », octobre 2023
Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France
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