21 octobre 2019
Rénovation énergétique : Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
La question de la rénovation énergétique dans les bâtiments, qu’ils soient tertiaires ou résidentiels, est, depuis le Grenelle de l’environnement, considérée comme un levier majeur pour réduire à la fois le poids de ce secteur dans la consommation énergétique française et les inégalités sociales qu’une passoire thermique engendre. La rénovation énergétique est également un des piliers de la stratégie nationale bas carbone présentée par le Gouvernement français au printemps dernier. Pour autant, si les objectifs sont clairs et ne cessent d’être répétés d’année en année, les moyens pour y parvenir, quant à eux, sont pilotés à vue !
Les constats sont simples : le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur énergétique en France (environ 43 % de la consommation énergétique totale en 2018) et est responsable d’environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre en 2018. De plus, en 2019, plus de 10 % de la population, soit plus de 3 millions de foyers, vit encore dans des passoires thermiques.
Des objectifs et des échecs
La loi de transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif de réduction de 50 % de la consommation du secteur du bâtiment entre 2012 et 2050. La programmation pluriannuelle de l’énergie de 2016, fixait, quant à elle, un objectif de baisse intermédiaire de 18 % entre 2012 et 2023. Pour autant, en dépit de ces objectifs clairs et répétés, la consommation énergétique du secteur ne montre pas de signe de baisse et s’éloigne substantiellement de la trajectoire permettant d’atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone.
Au-delà des enjeux climatiques, l’échec constaté dans le décollage de la rénovation énergétique a une incidence également sur le plan social. En effet, l’objectif de suppression de l’ensemble des passoires thermiques à l’horizon 2025 ne pourra être tenu si la tendance actuelle en matière de rénovation n’évolue pas, laissant ainsi des ménages dans la précarité énergétique.
Le pilotage des moyens alloués : talon d’Achille de la rénovation énergétique
Afin de répondre aux préoccupations soulevées par le mouvement des gilets jaunes, le ministre de la transition énergétique et solidaire, François de Rugy, mettait au cœur de ses vœux en janvier dernier, à la surprise générale d’ailleurs, la possibilité pour les ménages très modestes de changer leur chaudière pour 1 €. Quelques semaines plus tard, François de Rugy assistait à l’installation du premier équipement dans le cadre de ce dispositif.
Après 8 mois durant lesquels ces offres étaient une des réponses mises en avant par le Gouvernement à la problématique du poids des dépenses énergétiques dans les budgets des citoyens, l’existence même de ces offres a été remise en question dans le cadre de la réforme du Crédit d’Impôt Transition Energétique (CITE). Lors de la consultation, la DGEC a affiché sa volonté de limiter le montant total des aides. Conséquence : le « reste à charge » pour ces ménages représenterait alors plusieurs milliers d’euros pour une pompe à chaleur, équipement pourtant performant sur le plan énergétique et climatique.
Autre revirement, le montant maximal des travaux subventionnables du dispositif « Habiter mieux Agilité » de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), destiné également au financement des travaux de rénovation énergétique, a été brutalement revu à la baisse, le 10 octobre dernier, passant de 20 000 € à 8 000 €, réduisant de fait la prime octroyée par l’Anah avec effet immédiat.
La politique de « stop-and-go » : stratégie politique pour les certificats d’économies d’énergie ?
Principal levier financier pour la rénovation énergétique, la quatrième période du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) est un autre exemple de l’incohérence avec laquelle ces politiques sont pilotées. Alors que le dispositif représente un poids économique de plus de 4 milliards d’euros par an, soit 5 fois plus que le CITE, et alors qu’il représente entre 3 % et 4 % de la facture énergétique des ménages, l’administration ne cesse de multiplier les décisions antagonistes.
Si la quatrième période a été prolongée à la demande à la fois des fédérations d’énergéticiens, dont l’UFE, et des consommateurs, l’augmentation du niveau d’obligation décidée par l’administration n’a pas tenu compte des positions exprimées, au premier rang desquelles celle issue du Conseil supérieur de l’énergie en juillet dernier. Une décision que le Gouvernement justifie notamment par le déploiement des « coups de pouce chauffage et isolation » pour l’atteinte de ces objectifs. Un choix qui interpelle d’autant plus que la réforme du CITE et la révision du plafond des aides Anah viennent percuter la dynamique observée depuis janvier 2019 en matière de rénovation énergétique.
Et, à la fin, ce sont les consommateurs et les filières qui payent !
Ces décisions sont souvent justifiées par la volonté affichée des pouvoirs publics de protéger les consommateurs contre les dérives de certains acteurs dans le domaine de l’efficacité énergétique. Sans se poser la question de l’origine de ces dérives, le retour en arrière est ainsi vu par l’administration comme une réponse adéquate à ces problématiques. Or, si la question de la fraude doit nécessairement être traitée dans sa globalité, ces décisions ont, en réalité, un double impact négatif. Ces choix politiques contribuent, tout d’abord, à entretenir l’incompréhension sur le fonctionnement de la politique en matière de rénovation et s’avèrent donc être un frein pour les consommateurs. Par ailleurs, les coups d’arrêt ou accélérations brutales favorisent un environnement flou, propice au développement d’acteurs peu scrupuleux sur ces marchés.
Au-delà des consommateurs, c’est aussi toute une filière qui est également directement frappée par la brutalité des annonces. C’est en ce sens que s’est d’ailleurs exprimé le président de l’Association Française des Pompes à Chaleur (Afpac) récemment, qui regrette ces coups d’arrêt alors même que les acteurs ont investi dans des équipements, des technologies et du personnel pour répondre notamment aux rythmes engendrés par les offres à 1 € qui rencontraient un réel succès auprès des ménages. Le développement de l’efficacité énergétique est un enjeu non seulement climatique mais aussi économique. Ce n’est qu’avec une politique publique lisible de tous, stable et pérenne que la massification pourra se faire et que l’on pourra parler de véritable filière. A défaut, cela restera un vœu pieux !
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