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20 novembre 2024

Propositions de l’UFE pour l’atténuation des épisodes de prix négatifs et de leurs effets sur le système électrique

Depuis la fin des années 2000, le marché de gros de l’électricité européen est confronté à des épisodes de prix négatifs :

  • Ces derniers surviennent lors des moments de faible consommation d’électricité conjugués à une forte production d’électricité.

 

  • Durant ces périodes, en raison de contraintes – économiques et techniques – à la baisse sur le parc conventionnel (coûts de démarrage, seuil technique de puissance minimum à respecter, durée minimale incompressible d’arrêt …), il est plus rationnel pour certains moyens de production de payer pour continuer à produire plutôt que de s’arrêter.

 

  • Ce phénomène est aussi lié à la structure de certains mécanismes de soutien aux productions renouvelables: ainsi, contrairement au complément de rémunération qui incite à ne pas produire en période de prix négatif[1], l’obligation d’achat (OA) insensibilise les producteurs à ce signal prix négatif[2]  et conduit les acheteurs obligés à vendre cette production à tout prix sur les marchés de l’électricité.

 

  • L’apparition de prix négatifs en France est enfin fortement influencée par l’état de l’équilibre offre demande dans les pays voisins, le couplage de marché mobilise les interconnexions à l’import ou à l’export dans la limite de leurs capacités pour minimiser le coût complet du système électrique (merit order).

 

  • L’existence de prix de l’électricité faibles voire négatifs représentent avant tout un signal pour le développement des flexibilités (consommations flexibles et capacités de stockage) qui peuvent alors être rémunérées pour absorber cette production excédentaire. Toutefois ces flexibilités ne suffisent aujourd’hui souvent pas à enrayer la chute des prix. Ainsi, l’absence de signaux de prix suffisants et le cadre réglementaire en vigueur n’incitent pas les consommateurs à consommer lorsque l’électricité est abondante. Dans son bilan électrique 2023, RTE note que ce phénomène est également présent de manière synchrone, et souvent avec des ampleurs plus marquées, dans les pays voisins. Ainsi, le renforcement des interconnexions, s’il est nécessaire pour faciliter les échanges et les possibilités d’exportation, ne saurait endiguer seul le phénomène.

 

En 2023 et a fortiori en 2024, années caractérisées par des niveaux de consommation inférieurs à ceux de la période 2014-2019, le phénomène des prix négatifs s’est fortement amplifié. Ainsi, au 1er semestre 2024, la France a totalisé 233 heures de prix négatifs, sur le marché spot J-1 contre 53 au premier semestre 2023 et 147 sur l’ensemble de l’année 2023, qui constituait pourtant déjà le maximum historique en France. Ces prix négatifs apparaissent typiquement le printemps et l’été, entre 11h et 15h, en raison de l’empilement des productions nucléaire, hydraulique au fil de l’eau, éolien et solaire (ce dernier produisant par nature davantage sur ces heures) et des faibles niveaux de consommation lors de ces périodes. Dans les pays frontaliers avec laquelle la France est interconnectée, une tendance similaire est observée.

L’augmentation de la récurrence de ces prix négatifs traduit les besoins d’adaptation du système électrique :

  • Tout d’abord, à l’heure où l’électrification des usages notamment dans les secteurs des transports (mobilité électrique), des bâtiments (pompes à chaleurs), des services (datacenters) et de l’industrie (électrification de process, gigafactories de batteries, usine de panneaux solaires, industrie des réseaux, hydrogène) et le développement des flexibilités sont reconnus comme des vecteurs essentiels de décarbonation, de renforcement de notre souveraineté et compétitivité, on ne peut que regretter que leur retard conduise à ne pas pleinement exploiter les capacités d’électricité bon marché et bas-carbone.

 

  • Par ailleurs, les prix négatifs ont un impact sur la rentabilité de certaines capacités existantes et des projets de nouvelles capacités bas carbone nécessaires à l’optimisation du système et à la sécurité d’approvisionnement:
  • En premier lieu, les capacités totalement exposées au prix de marché, en particulier sur le spot,
  • Ensuite, les installations existantes sous complément de rémunération qui n’ont pas intégré dans leur plan d’affaires le nombre croissant d’heure à prix négatifs,
  • Enfin, les développeurs de nouvelles capacités incités à intégrer le phénomène des prix négatifs à leur plan d’affaires et ce faisant, à demander un prix de rachat plus élevé.

 

  • Enfin, les prix négatifs concourent à complexifier l’équilibrage du système électrique par RTE : en effet, le comportement des installations en complément de rémunération est à date relativement hétérogène lors des épisodes de prix spot négatifs car toutes ne s’arrêtent pas. Faute de respect par certains parcs de l’obligation de programmation pour les installations de plus de 1 MW et donc de visibilité sur le volume qui va s’arrêter, RTE a du mal à estimer le déséquilibre national. RTE manque en outre de leviers d’activation à la baisse sur le mécanisme d’ajustement, il peut ainsi se retrouver démuni pour équilibrer le système électrique et devoir recourir à des méthodes de dernière extrémité couteuses [3].

 

Dès lors, pour optimiser le fonctionnement du système électrique et tirer pleinement parti de la production bon marché et bas-carbone, la priorité doit être donnée au développement des flexibilités, en particulier la flexibilité de la consommation (I). Pour autant, dans un système électrique où la part des énergies renouvelables continuera d’augmenter et où la sortie des énergies fossiles au profit de l’électrification tarde à se concrétiser, les situations de prix négatifs, en l’absence d’évolutions supplémentaires, pourraient perdurer au moins sur une partie de la prochaine décennie. Dès lors, pour en limiter l’apparition ou a minima la profondeur, l’UFE propose par ailleurs des mesures d’adaptation des mécanismes de soutien des énergies renouvelables susceptibles de réduire la formation de prix négatifs (II). L’UFE fait enfin plusieurs recommandations pour améliorer la gestion opérationnelle de ces prix négatifs en développant notamment la pilotabilité de la production renouvelable (III).

Pour maximiser l’efficacité de ces propositions pouvant être mises en œuvre à l’échelle nationale, une discussion sur le phénomène des prix négatifs à l’échelle européenne devra nécessairement déboucher en parallèle sur des évolutions coordonnées, qui pourront notamment être discutées au sein d’Eurelectric.

En synthèse, l’UFE propose les actions ci-dessous :

 

 

1. Optimiser le fonctionnement du système électrique et profiter de l’abondance de production électrique bas-carbone en développant les flexibilités

a.     Renforcer les flexibilités de consommation, notamment en déplaçant la consommation lors des périodes d’abondance de production

 

Un déplacement de la consommation vers les périodes d’abondance de production, permettrait de faire bénéficier le consommateur final de la compétitivité et de l’abondance du parc de production français, de réduire le volume d’écrêtement d’électricité renouvelable et ce faisant d’alléger à la fois la charge de l’Etat pour compenser ces périodes et leur gestion opérationnelle par RTE.

 

  • Dans ce cadre, l’UFE appelle à adapter le placement des heures creuses du TURPE aux nouveaux enjeux du système électrique, notamment lors du pic méridien de production photovoltaïque en printemps/été : cela permettra d’inciter ex-ante un déplacement de la consommation et de réduire considérablement le volume de renouvelables écrêté. A titre d’illustration, aujourd’hui, les volumes d’arrêts de la production renouvelables sous complément de rémunération peuvent déjà représenter ponctuellement de l’ordre de 6 GW et devraient continuer de croître compte tenu des perspectives de croissance de la production renouvelable. RTE estime qu’il existe un gisement de plusieurs GW de consommation décalable, notamment les 10 GW de consommation des ballons d’eau-chaude actuellement asservis au signal HP/HC avec fonctionnement nocturne. De même, RTE considère que le pilotage tarifaire de la recharge de 1 million de véhicules électriques pourrait générer le déplacement de 500 MW de consommation.

 

  • L’UFE défend par ailleurs un recours accru sur les marchés de détail à des signaux de prix. Ces signaux de prix peuvent déjà être captés par des offres indexées, reflétant partiellement l’évolution des marchés de gros (type bloc + spot), ou par des signaux de prix horosaisonnalisés. Ceux-ci nécessitent un cadre régulatoire pérenne pour susciter des investissements ou engager des changements de comportement durables. Pour maximiser l’incitation pour les consommateurs, il est souhaitable d’assurer un certain niveau de cohérence des signaux entre les briques approvisionnement et réseaux de la facture.

 

  • Concernant les offres à tarification dynamique, l’UFE défend la pérennisation de la définition « temporaire » adoptée par la Commission de régulation de l’énergie dans sa délibération du 27 juillet 2022. Cette dernière prévoit ainsi que “les offres de marché qui incitent financièrement les consommateurs, en réponse à un signal de court terme, à effacer ou déplacer leur consommation au sein d’une journée sont incluses dans la catégorie des offres à tarification dynamique répondant à l’obligation qui pèse sur les fournisseurs de plus de 200 000 sites”. Une telle pérennisation de l’élargissement de la définition permettra d’investir dans des offres plus diversifiées pour répondre aux attentes hétérogènes des consommateurs. De telles offres permettraient de créer une continuité entre des offres à tarifs fixes et des offres pleinement exposées aux variations de marché

 

  • En outre, l’UFE constate que la granulométrie actuelle des produits peak (8-20h) et off-peak (20h-8h) sur les marchés à terme ne reflète plus la physique du système et notamment l’abondance de production PV l’après-midi. Dès lors, les acteurs de marché ne disposent pas de produits de couverture “prêts à l’emploi” leur permettant de coller aux écarts de prix qui vont se creuser selon cette nouvelle dynamique. Ces produits pourraient permettre le développement d’offres de fourniture dont le profil viendrait renforcer les évolutions du signal tarifaire de réseau et ainsi maximiser l’incitation pour le consommateur à déplacer sa consommation sur ces heures lui permettant ce faisant de réduire sa facture. L’UFE appelle à investiguer avec les bourses les mécanismes par lesquels pourraient se construire une évolution des produits de marché à terme.

 

  • Enfin, l’UFE rappelle que le code de l’énergie définit uniquement la notion d’effacement de consommation [4]. L’UFE considère que, dans l’objectif de concourir à l’optimisation du système électrique, il est désormais nécessaire d’élargir les dispositions du code pour couvrir à la fois les modulations de consommation à la baisse et à la hausse. Ce développement devra englober les effets rebonds induits par un effacement de consommation, être défini selon des modalités fiables et transparentes pour l’ensemble des parties impliquées dans le transfert de blocs d’énergie (en injection ou soutirage) et tirer les leçons de l’expérimentation « bac à sable » en cours. Le code de l’énergie pourrait ainsi définir le terme de “modulation de la consommation d’électricité”, qui engloberait à la fois les baisses et les hausses de consommation.  La valorisation de la modulation, à l’instar de l’effacement et comme prévu par la règlementation européenne, serait ouverte à l’ensemble des marchés et des services d’équilibrage (mécanisme d’ajustement et services système fréquence).

 

b.     Développer les capacités de stockage

 

Il est par ailleurs nécessaire de développer les capacités de stockage, incluant le développement des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) et des batteries :

 

  • Les batteries offrent l’avantage d’un déploiement facile et rapide (moins de 2 ans entre le début du projet et sa mise en service). Ces actifs aux cycles courts permettent de répondre parfaitement aux cas de période de surproduction méridienne suivies des pics du soir et du matin. Dans ce cadre, la task force flexibilité de l’UFE pourra revenir avec des propositions spécifiques pour faciliter le développement des capacités de stockage de court terme.

 

  • Pilotables et réactives en moins d’une minute, les STEP fonctionnent par cycles long (du week-end vers la semaine). Les STEP sont des actifs longs à développer et à construire (identification de sites, autorisation et construction complexes) mais ont une durée de vie supérieure à 40 ans. Pour ne pas retarder leur mise en œuvre, il est donc nécessaire de mettre en place le plus rapidement possible un cadre régulatoire permettant leur développement, notamment en lançant les appels d’offres pour de nouvelles STEP à hauteur de 1,7GW comme prévu dans la SFEC. Par ailleurs l’UFE appelle à accroitre la flexibilité des sites hydraulique au fil de l’eau en étudiant les possibilités de marnage[5] et de gestion des retenues pour permettre la modulation de puissance de ces installations.

 

Ces propositions pourront être complétées et approfondies dans les prochaines semaines dans le cadre de la taskforce flexibilités lancée par l’UFE.

 

2. Limiter l’effet des mécanismes de soutien sur la formation de prix négatifs tout en maintenant l’équilibre économique des contrats

a.     Permettre, pour les installations qui y consentent, l’arrêt à la demande d’EDF OA d’installation sous OA en cas de prix spot négatifs en prévoyant des dispositifs de compensation

 

Pour une gestion économique efficace du mix électrique, il est souhaitable d’inciter les capacités de production renouvelable sous obligation d’achat à contribuer à l’atténuation des situations de prix négatif.

 

Au 31 décembre 2023, près de 25,5 GW de capacités renouvelables sont sous ce mécanisme (éolien, solaire, hydraulique et cogénération). Si certaines installations sortiront de ce dispositif de soutien à l’échéance de leurs contrats respectifs (éolien terrestre autour de 2030 et éolien en mer plus tardivement), ainsi que le volume d’hydraulique sous OA qui va progressivement diminuer, ce mécanisme de soutien est néanmoins appelé à croître avec le développement du photovoltaïque diffus (RTE estime qu’il pourrait y avoir environ 20 GW de PV BT en 2030 et plus de 30 GW en 2035).

 

Dans ce cadre, l’UFE appelle à profiter de la pilotabilité de certains de ces actifs en proposant plusieurs mesures susceptibles de faire évoluer ce mécanisme de soutien tout en maintenant l’équilibre économique des contrats :

  • Adapter, sur une base volontaire et de manière pragmatique, les contrats d’obligation d’achat existants, en commençant par les grands parcs éoliens offshore (ex : AO off-shore 1 et 2), puis les grands parcs photovoltaïques et éoliens ainsi que les installations hydrauliques volontaires. Cela permettrait à l’acheteur obligé de ne pas vendre « à tout prix » cette production, mais de la proposer à un prix nul sur les marchés J-1. Les parcs actuellement soutenus pourraient réduire voire arrêtent leur production en période de prix négatif à la demande de l’acteur obligé tout en conservant la rémunération garantie du tarif OA et le cas échéant en bénéficiant d’une prise en charge des coûts d’équipement (usure ou besoin de nouvel équipement type SCADA) et de gestion annuelle (ressources à mobiliser).

 

  • Réfléchir aux modalités d’adaptation des contrats d’obligation d’achat à venir notamment pour le PV >100 kW voire >36 kW en y introduisant une compensation normative qui garantisse une insensibilisation des plans d’affaires en cas d’arrêt ou de réduction de la production à la demande de l’acheteur obligé en période de prix négatifs. Cette évolution nécessitera le déploiement d’une infrastructure de contrôle à distance de ces installations. Les modalités de mise en place devront être discutées avec les filières et les acteurs de marchés.

 

b.     Revoir les paramètres du calcul de la prime de non-production en cas de prix négatifs pour les installations sous complément de rémunération

 

L’amplification du phénomène des prix négatifs engendre une incertitude sur les plans d’affaires des installations photovoltaïques sous complément de rémunération, ceci en raison d’une indemnisation insuffisante lors des heures de non-production, insuffisance dont les effets deviennent de plus en plus critiques. Au vu des écrêtements croissants de production renouvelable, les systèmes de compensation actuels, conçus en 2016-2017 montrent leurs limites et doivent être améliorés. Le calcul de la prime de non-production en cas de prix négatifs pour les installations sous complément de rémunération pourrait ainsi être ajusté pour d’une part, insensibiliser davantage le plan d’affaires des actifs aux conséquences des prix négatifs, et d’autre part, renforcer le caractère incitatif du dispositif.

 

Dans ce cadre, l’UFE propose de :

  • Verser cette prime dès les premières heures de non-production en période de prix négatifs alors que les installations ne la perçoivent actuellement que quand le nombre d’heures d’arrêt, cumulé sur l’année, dépasse un seuil défini par filière (15h pour le solaire, 20 heures pour l’éolien, 70h pour l’hydraulique).
  • Revoir le calcul de la prime de non-production en cas de prix négatifs pour les installations sous complément de rémunération en mettant à jour les coefficients de compensation appliqués de manière à insensibiliser davantage les plans d’affaires. L’UFE appelle les filières à instruire le sujet.

 

c.     Revoir les modalités d’attribution de la prime de non-production en cas de prix négatifs, en autorisant un talon de production, pour aider les installations sous soutien public à respecter le signal

 

Pour améliorer la gestion des épisodes de prix négatifs pour les parcs éoliens dont l’arrêt complet/redémarrage peut entrainer une usure des machines, l’UFE est favorable à la proposition de la CRE, consistant à verser la prime de non-production en période de prix négatifs quand bien même quelques kWh de talon de production seraient injectés, si cela est de nature à aider les producteurs sous complément de rémunération à respecter le signal. Un seuil unique pourrait être fixé afin d’éviter une gestion de référentiel complexe et coûteuse. Celui-ci pourrait par exemple se situer à 2% de la puissance installée.

 

3) Améliorer la gestion opérationnelle des prix négatifs en développant notamment la pilotabilité de la production renouvelable

a.     Améliorer la visibilité de RTE en J-1 sur la part du parc renouvelable qui va s’arrêter

 

Pour ajuster sa stratégie d’équilibrage et identifier les congestions réseau ou problèmes de tension, il est primordial que RTE et les GRD reçoivent les prévisions de production des producteurs. L’obligation de programmation prévoit ainsi que toute installation de plus d’1 MW envoie en J-1 à 16h30 ses prévisions de production à la maille site. Ces prévisions peuvent être redéclarées en IJ, toutes les heures à date et à terme, tous les 1/4h.  Pour autant, certains producteurs ne le font pas ou envoient des prévisions de mauvaise qualité ce qui conduit RTE et les GRD à utiliser leurs propres prévisions de production.

 

Par ailleurs, le comportement des producteurs en complément de rémunération, contractuellement incités à s’arrêter de produire pendant les prix négatifs, est relativement hétérogène : toutes les installations en complément de rémunération ne s’arrêtent pas nécessairement lors des épisodes de prix spot négatifs.

 

Ce manque de visibilité complexifie la stratégie d’équilibrage de RTE qui a du mal à estimer le déséquilibre en entrée de fenêtre opérationnelle ce qui le conduit parfois à prendre des actions contreproductives sur le mécanisme d’ajustement [6].

 

L’UFE appelle ainsi les filières à sensibiliser sur le besoin d’améliorer l’exhaustivité et la fiabilité des programmes d’appel.

 

b.     Faciliter l’équilibre des Responsables d’équilibre en amont de la fenêtre opérationnelle

 

Le modèle d’équilibrage français se traduit par la recherche d’un juste équilibre entre le principe de responsabilisation des acteurs de marché et celui d’une centralisation de l’équilibrage à l’approche du temps réel. Ainsi si RTE porte la responsabilité physique de l’équilibrage du système électrique, les Responsables d’équilibre (RE) sont financièrement responsabilisés à équilibrer en amont de la fenêtre opérationnelle les éléments d’injection et de soutirage de leur périmètre.

Or, les producteurs sous complément de rémunération sont incités à s’arrêter lorsque les prix spots sont strictement négatifs et à produire à leur maximum dès lors que le prix spot devient nul ou positif. Or, lorsque les prix sont très légèrement négatifs, il peut arriver qu’une partie des volumes à la vente soient tout de même retenus en raison de l’interpolation linéaire qui est faite entre deux pas d’offres.

Certaines installations sous complément de rémunération dont le volume de production a été vendu (cf. point précédent) s’arrêtent pour toucher la prime de non-production en période de prix négatif. L’agrégateur se retrouve ainsi déséquilibré et contraint de se rééquilibrer en infra-journalier via des produits plus chers et potentiellement plus carbonés (ex : installations thermiques) que la production des installations sous complément de rémunération.

L’UFE est en ce sens favorable à la proposition formulée par la CRE lors de sa récente consultation informelle et visant à verser la prime de non-production en période de prix négatifs que l’installation s’arrête ou pas lorsque les prix sont très légèrement négatifs (zone tampon entre 0 et -0,1/MWh) [7], cette mesure aidant les RE à s’équilibrer.

 

c.     Favoriser la participation des renouvelables au Mécanisme d’ajustement

 

Actuellement, seule la production renouvelable raccordée au réseau public de transport est tenue de participer au mécanisme d’ajustement, uniquement à la hausse, à laquelle s’ajoute moins de 500 MW d’installations éoliennes ou photovoltaïques raccordées au réseau public de distribution.

Or, RTE manque de façon régulière de leviers à la baisse sur le mécanisme d’ajustement, que ce soit en période de forte production ou pas. RTE a ainsi été amené cet été à faire appel de façon exceptionnelle à des grands parcs éoliens et photovoltaïques raccordés au réseau de transport, pour environ 1 GW de baisse en dehors du mécanisme d’ajustement sur un mode dérogatoire. Bien que conforme aux dispositions actuelles du code de l’énergie, il serait préférable que de tels appels se fassent via le mécanisme d’ajustement.

Cela suppose d’élargir la participation au mécanisme d’ajustement d’installations renouvelables y compris, d’une partie de celles raccordées au réseau public de distribution, en complément des installations raccordées sur le réseau public de transport.

Dès lors, l’UFE appelle à :

  • Convenir, en concertation avec la filière, d’un calendrier de mise en place d’une obligation de participation au Mécanisme d’Ajustement à la hausse (suite à un arrêt ou une réduction de production) comme à la baisse pour les installations de plus de 12 MW (y compris celles sur une partie de la production raccordée au réseau public de distribution). Ce calendrier devra permettre aux acteurs de la filière d’approfondir leur connaissance du fonctionnement du mécanisme et de développer les outils SI adéquats. Il devra également prendre en compte les cas particuliers des parcs en démantèlement ou renouvellement qui pourraient donner lieu sous certaines conditions à une dérogation.

 

  • Permettre sur la base du volontariat, la participation des installations sous OA inférieures à 12 MW au Mécanisme d’ajustement, en modifiant notamment l’article R. 314-17[8] pour permettre d’activer ces installations à la hausse si elles venaient à s’arrêter en période de prix négatif. Dans le cas d’une participation au MA à la hausse, l’énergie produite lors d’un ajustement à la hausse ne serait pas vendue à EDF OA.

La mise en œuvre de ces deux propositions nécessitera par ailleurs de préciser les dispositions du contrat d’achat entre la participation au mécanisme d’ajustement et le versement du soutien : l’UFE suggère sur ce point de s’inspirer du cahier des charges de l’AO offshore n°6 qui prévoit des modalités d’insensibilisation pour le versement des mécanismes de soutien. Celles-ci pourraient être adaptées et étendues à l’ensemble des installations souhaitant participer au MA, qu’elles soient en CR ou en OA, ce qui suppose :

  • Pour les installations sous CR, de modifier l’article R314-35 du code de l’énergie et les arrêtés tarifaires afin de calculer le soutien sur la base de l’énergie produite corrigée de la participation aux services d’équilibrage et de faire évoluer les cahiers des charges des AO.
  • Pour les installations sous OA de faire signer un avenant au contrat prévoyant cette disposition. L’UFE appelle à ce titre, à la création d’un avenant type au contrat d’OA pouvant comprendre l’incitation à s’arrêter en période de prix négatifs et la participation au MA.

 

d.     Gérer la dynamique d’arrêt de la production

 

Les volumes d’arrêt de production EnR en période de prix négatifs deviennent très importants (jusqu’à 6 GW) et devraient continuer de croître compte tenu des perspectives de croissance de la production renouvelable. Or, la production renouvelable a des gradients d’arrêt très rapides. L’arrêt de cette production, s’il est synchronisé, est de nature à générer un risque pour la fréquence, quand bien même les RE sont équilibrés en énergie.

En effet, d’une part ces variations sont susceptibles de dépasser le dimensionnement de la réserve primaire en Europe, d’autre part la réserve primaire pourrait ne pas être assez rapide pour endiguer ces variations de fréquence.

Dès lors l’UFE s’interroge sur les solutions à mettre en œuvre pour que :

  • Les producteurs s’arrêtent et redémarrent en prévoyant une rampe
  • ou que les agrégateurs puissent échelonner l’arrêt des parcs sous complément de rémunération de leur portefeuille pour éviter ce phénomène d’arrêt et de redémarrage synchronisé

Dans ce cadre, il est nécessaire de prévoir une insensibilisation de la rémunération des producteurs sur les minutes encadrant les heures d’arrêt/redémarrage de manière à éviter par exemple que ces derniers soient pénalisés quand, du fait de l’échelonnement, ils produisent encore sur les premières minutes de l’heure à prix négatif.

Ces dispositions devront être concertées avec les gestionnaires de réseau, les agrégateurs et les producteurs.

[1] Une installation sous contrat de complément de rémunération n’est pas rémunérée pour une production en cas de prix spot négatifs et reçoit une prime si elle n’injecte pas d’électricité pendant ces heures : ces installations EnR ont montré leur capacité à répondre au signal à la baisse lors de prix négatif avec des modulations jusqu’à plus de 50% de la capacité totale en moins de 30 minutes

[2] L’installation est rémunérée au prix du contrat d’OA qu’elles que soient les configurations de prix de marché

[3] Cet été RTE a ainsi été conduit à écrêter en période de prix négatifs, hors mécanisme d’ajustement, de grands parcs éolien et photovoltaïque pour 1 GW de baisse

[4] Le code de l’énergie définit les effacements de consommation (flexibilité de consommation à la baisse) à l’article L271-1 et prévoit par ailleurs les effets d’un effacement sur la consommation d’un site avant et après l’effacement (article L271-1 du code de l’énergie précisé par le décret effacement août 2016). La flexibilité de consommation à la hausse dite “pure” (c’est-à-dire indépendante d’un effacement) ne figure pas en revanche dans le code de l’énergie.

[5] Le marnage désigne la fluctuation du niveau de l’eau dans les cours d’eau, canaux et bassins

[6] En l’absence de visibilité sur les volumes qui vont s’arrêter, RTE peut ainsi être amené à surestimer le déséquilibre offre-demande et en conséquence à d’abord activer à la baisse un volume de type RR plus important que le besoin réel, avant de prendre une action en sens inverse en activant des volumes à la hausse de type mFRR pour rétablir l’équilibre (ce qui correspond à un contre-ajustement).

[7] La CRE indique « que la zone comprise entre -10c€/MWh et 0€/MWh semble être suffisamment résiliente pour s’adapter à d’éventuelles modifications du format de soumission des offres des NEMO. Que la granularité des offres sur le Spot soit de 1c€/MWh ou de 10c€/MWh, cette zone permet aux agrégateurs de réaliser des offres permettant de s’assurer de ne rien vendre lorsque le prix est inférieur à -10c€/MWh et de vendre 100% de leur production prévisionnelle lorsque le prix Spot est supérieur ou égal à 0€/MWh. Entre ces deux bornes, il est possible que les offres déposées par l’agrégateur conduisent à une vente partielle du potentiel de production dans son périmètre : dans la mesure où les revenus issus du contrat de CR sont indépendants d’une production ou non des installations, l’agrégateur devrait pouvoir se coordonner avec les producteurs dans son périmètre pour que la production effective du parc sous sa responsabilité corresponde à la production vendue sur le marché en J-1. »

[8] L’article R314-17 devra ainsi être modifié en complétant la mention suivante : « le producteur ayant conclu le contrat prévu à l’article L. 314-1 est tenu de vendre la totalité de l’électricité produite par l’installation concernée à la société Electricité de France ou à l’entreprise locale de distribution »

Propositions de l'UFE pour l'atténuation des épisodes de prix négatifs et de leurs effets sur le système électrique

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Présentation de l’UFE
Présentation de l'UFE

L’Union Française de l’Électricité (UFE) est l’association professionnelle du secteur de l’électricité. Elle représente les entreprises de l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur électrique français : producteurs, gestionnaires de réseaux, fournisseurs d’électricité et de services d’efficacité énergétique, en passant par les opérateurs de stockage et des effacements, et du pilotage des consommations.

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