08 juin 2023
Nouvelle programmation énergétique : Prendre dès aujourd’hui les décisions pour placer la France sur la trajectoire de la neutralité carbone
Dans le cadre du paquet législatif européen Fit for 55, l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990. Il y a, en effet, urgence à organiser la sortie des énergies fossiles pour répondre au dérèglement climatique et aux crises énergétiques, et pour assurer la souveraineté énergétique et industrielle de la France et de l’Europe. Les besoins de production en électricité décarbonée sont tels qu’il faut que la PPE instaure un cadre favorable à la concrétisation de toutes les opportunités d’investissement dans un mode concurrentiel efficace et équitable.
L’ambition des objectifs – nécessaire – et la montée des tensions géopolitiques nous rappellent qu’il faut renforcer l’action, et le faire avec pragmatisme. Pour un approvisionnement sécurisé et écologiquement soutenable, nous aurons ainsi besoin de réhausser la production de toutes les énergies décarbonées, que l’on voit trop souvent opposées les unes aux autres. Il faut agir aussi sur nos usages énergétiques dont les deux-tiers sont encore aujourd’hui issus de sources fossiles importées.
Ceci nécessite, d’une part, de développer la sobriété et l’efficacité énergétique et, d’autre part, de déployer dans tous les domaines (bâtiments, transports, industrie…) des énergies décarbonées y compris issues de la récupération de chaleur fatale, en veillant à leur accessibilité et à l’accélération des implantations des ouvrages électriques, de production comme de réseaux, dans nos territoires. La part de la demande d’électricité renouvelable et bas carbone dans la consommation totale d’énergie finale devrait doubler d’ici 2050 et le système électrique doit pouvoir y répondre, en renouvelant et diversifiant son parc de production, en développant et modernisant ses réseaux et en augmentant les capacités de flexibilité. L’exercice SFEC / PPE doit permettre de faire des propositions, à l’amont comme à l’aval, pour permettre de décarboner notre économie dans le respect de la sécurité d’approvisionnement.
Sur l’ensemble de ces thématiques, le présent document reprend les travaux, réflexions et propositions de l’Union Française de l’Électricité (UFE) et de ses adhérents dans le cadre des discussions autour de la loi de Programmation énergie climat (LPEC), de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Ce document se veut une matière utile à la rédaction de ces textes essentiels.
Une telle programmation, articulant niveau national et territoires, est désormais urgente pour garantir la souveraineté énergétique de la France et pour affirmer une ambition industrielle donnant de la visibilité à tous les segments de la filière électrique, condition sine qua non pour lui permettre d’organiser la mise en œuvre des objectifs, notamment en termes de préparation des emplois et des compétences nécessaires à la transition énergétique sur toute la chaîne de valeur et de sécurisation des plans d’investissement.
Accélérer le déploiement de la mobilité électrique pour les véhicules légers et accompagner l’électrification du transport routier
- Développer le pilotage de la recharge des véhicules électriques (exemple : installation des bornes communicantes et accès aux données des batteries) et inciter les utilisateurs à décaler la recharge lors des heures creuses ;
- Augmenter la part des camions électriques dans la définition des objectifs de décarbonation des poids lourds par rapport à la programmation pluriannuelle énergétique actuelle et prévoir des aides à l’achat jusqu’en 2027 ;
- Élargir les schémas directeurs de déploiement des bornes de recharge à tous les types d’axes autoroutiers, en distinguant les besoins des véhicules légers et ceux des poids lourds ;
- Fixer un objectif ambitieux de déploiement de points de recharge accessibles au public à l’horizon 2030 et garantir leur bon fonctionnement.
Se donner les moyens de massifier les rénovations et d’adapter les bâtiments aux défis de demain
- Mettre en place une stratégie de rénovation des bâtiments (maisons individuelles, logements collectifs, tertiaires publics, tertiaires privés) en fonction de leur consommation d’énergie et de leurs émissions de gaz à effet de serre ;
- Renforcer la cohérence entre les objectifs de réduction de la consommation d’énergie et ceux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) du code de l’énergie dans les dispositifs publics (certificats d’économie d’énergie, décret Eco Energie Tertiaire) ;
- Instaurer une trajectoire pluriannuelle d’investissement public en matière de rénovation des bâtiments, la décliner dans les aides mises en place et en évaluer les résultats ;
- Fixer, par typologie de bâtiment, un objectif de développement des pompes à chaleur, des installations intégrant des énergies renouvelables, d’autoconsommation et de solutions de pilotage des consommations ;
- Accélérer la rénovation des logements chauffés à l’électricité en rendant éligibles aux dispositifs d’aides MaPrimeRénov’ et à la TVA à taux réduit les solutions électriques les plus performantes, avec un programme de déploiement des pompes à chaleur (PAC air/air…) ;
- Encourager les rénovations globales par étape grâce à la bonification des opérations réalisées de manière croissante ;
- Renforcer la stabilité et la visibilité du dispositif des Certificats d’Economies d’Energie (CEE) pour les acteurs obligés (élargir la période de l’obligation, nourrir le gisement et cadrer les évolutions réglementaires en prévoyant notamment des délais minimaux de mise en œuvre) ;
- Revoir la répartition de la charge des contrôles entre les acteurs responsabilisés au sein du dispositif CEE et renforcer les exigences de la qualification « Reconnu garant de l’environnement » pour garantir la qualité des travaux et l’efficacité du dispositif CEE. Développer un pouvoir réel de sanction des organismes de qualification, en lien avec la DGCCRF (retrait effectif des qualifications pour les acteurs indésirables).
Reconstituer, développer et décarboner l’industrie et les chaînes de valeur industrielles nécessaires aux filières de la transition énergétique
- Mettre en place des aides au fonctionnement, en complément des aides aux investissements, pour les entreprises qui permettent de rendre les énergies bas-carbone compétitives par rapport aux énergies fossiles, et conditionner ces aides à la flexibilisation de leurs usages ;
- Prendre en charge à 100 % par l’Etat les coûts d’étude et de récupération de chaleur fatale, sur la base d’une étude complète des potentiels de valorisation de la chaleur fatale intégrant le chiffrage des équipements ;
- Rendre possible, pour les plateformes industrielles, une déclaration commune des gaz à effet de serre pour faciliter les dynamiques collectives intégrées ;
- Effectuer un exercice d’évaluation prospective des besoins en électricité supplémentaires nécessaires à l’alimentation des futurs électrolyseurs ;
- Accompagner le développement de l’hydrogène là où il peut atteindre rapidement une taille critique comme dans des “clusters” de consommateurs industriels.
Anticiper les évolutions structurelles du marché de détail et mieux protéger les consommateurs
- Sécuriser l’autorisation de fourniture en renforçant les conditions pour son obtention (situation financière, stress test, politique prudentielle…) avec des sanctions graduelles pouvant aller jusqu’au retrait définitif de l’autorisation de fourniture ;
- Assurer un partage des risques équilibré entre les fournisseurs et leurs clients dans le cas de formulation d’offres à prix fixes ;
- Mieux protéger les ménages en augmentant le montant du chèque énergie (à 350 € en moyenne contre 150 € actuellement, ce qui représente en moyenne un tiers de la facture d’un ménage précaire), en relevant le plafond de ressources des bénéficiaires au minimum au niveau du seuil de pauvreté (12 000 € pour une personne vivant seule), et en créant une aide financière assurant que le tiers des ménages aux revenus les plus faibles soient tous soutenus ;
- Fixer un cadre favorable aux offres horo-saisonnalisées pour favoriser la consommation en dehors des périodes tendues ;
- Préciser au plus vite les conditions qui feront suite au dispositif de l’Arenh. De la visibilité est indispensable compte tenu de l’incidence sur la formulation d’offres pluriannuelles déjà sollicitées par les clients et sur la construction des futurs tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe).
Préparer les réseaux, socle du système électrique, aux défis de la transition énergétique
- Préparer l’évolution des réseaux pour intégrer massivement les énergies renouvelables et accompagner l’électrification des usages (transport, bâtiment, industrie…) et le développement des flexibilités, tant côté production que côté demande, et prévoir les investissements nécessaires ;
- Tirer tout le potentiel des bénéfices collectifs des compteurs communicants déployés dans notre pays, par exemple en termes de données de consommation ou de support à des outils de pilotage ;
- Assurer la bonne articulation de la planification territoriale du déploiement des énergies renouvelables et celle du développement des réseaux de transport et de distribution d’électricité ;
- Etudier l’opportunité de développer les interconnexions transfrontalières. Si elles sont nécessaires, en reconnaître le caractère d’intérêt général et engager les investissements pour les projets à financements publics et/ou accorder les autorisations pour les projets à financements privés.
Accélérer le déploiement des énergies renouvelables, principal levier de décarbonation de la production sur la prochaine période de programmation
- Mettre en œuvre la planification de l’éolien en mer : attribuer rapidement les projets mis en concurrence, lancer des appels d’offres « multi-gigawatts », accélérer l’instruction des projets par les services de l’Etat, anticiper les raccordements et les infrastructures portuaires ou terrestres nécessaires ;
- Fixer des objectifs et un rythme de développement ambitieux pour l’éolien terrestre à l’horizon de la nouvelle période de programmation afin de respecter les objectifs de décarbonation, et soutenir les filières industrielles françaises et européennes ;
- Accélérer le développement du photovoltaïque sur l’ensemble des segments (toiture, centrales au sol, agrivoltaïsme) et porter une ambition industrielle pour redéployer une filière française et européenne ;
- Adopter un cadre juridique et économique permettant d’exploiter le potentiel de développement hydroélectrique : rénover les installations existantes, développer de nouveaux projets notamment de stockage (STEP) ;
- Stimuler la mise en œuvre territoriale de la programmation énergétique grâce à des moyens de contractualisation entre l’Etat et les collectivités ;
- Améliorer le « partage territorial de la valeur » en renforçant la place des communes et intercommunalités d’implantation dans la répartition des recettes fiscales (IFER).
Maintenir et renouveler le socle de production bas carbone pilotable (nucléaire, hydraulique et thermique décarboné)
- Supprimer l’objectif de fermeture de 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035 et inscrire l’objectif de prolongation des réacteurs nucléaires existants au-delà de 50 ans, lorsque les conditions de sûreté, de délais et de coût pour la collectivité sont réunies ;
- En tirer les conséquences quant à l’objectif de l’actuelle PPE d’atteindre une part du nucléaire au sein du mix électrique de 50% à l’horizon 2035, eu égard notamment à la nécessaire accélération de l’électrification des usages dans la perspective de la sortie des énergies fossiles, et en cohérence avec la loi récemment adoptée sur l’accélération du nucléaire ;
- Inscrire dans la LPEC les objectifs de construction de six réacteurs EPR2 (avec mise en service de la première paire à l’horizon 2035-2037), de lancement d’études sur la construction de huit EPR2 additionnels et de « premier béton » pour un prototype de SMR d’ici 2030 ;
- Ne pas remettre en question le principe de fermeture des centrales à charbon conventionnelles et en évaluer, au regard de la sécurité d’approvisionnement, les conditions de mise en œuvre (fermeture ou reconversion) ;
- Objectiver les besoins prévisionnels en matière de capacités thermiques bas-carbone de pointe et fixer les objectifs de développement et les mécanismes de soutien à la décarbonation associés.
Garantir la sécurité d’approvisionnement et développer de manière optimisée les flexibilités nécessaires dans un mix électrique comportant une part importante d’énergies variables
- Engager au plus vite les investissements nécessaires au développement et au renouvellement de capacités de flexibilité et de production bas carbone avec la perspective d’évolution d’outils ouverte par la réforme du cadre de marché (PPA, CFD…) ;
- Pérenniser le mécanisme de capacité après 2026 et étudier les besoins d’adaptation à y apporter, notamment sur le critère de sécurité d’approvisionnement au regard des évolutions du mix électrique. Fonder le mécanisme sur la neutralité technologique, où toutes les capacités participent à proportion de leur contribution au respect du critère de sécurité d’approvisionnement ;
- Evaluer le potentiel d’effacements mobilisable sur les secteurs industriel, tertiaire et résidentiel, et actualiser les objectifs d’effacement de la PPE au regard des besoins de flexibilité et des autres solutions de flexibilité accessibles ;
- Pérenniser l’appel d’offre effacement pour soutenir le développement de capacités d’effacement additionnelles nécessaires à l’atteinte des objectifs de sécurité d’approvisionnement et de décarbonation de la France ;
- Redéfinir les « effacements indissociables de la fourniture » dans le code de l’énergie pour laisser aux fournisseurs une latitude suffisante sur les modalités d’incitation aux baisses et modulations de consommation pendant les pointes de consommation, et ne pas brider le développement de nouvelles offres innovantes ;
- Permettre le développement des installations « hybrides » (ENR couplé à du stockage) en clarifiant le cadre applicable à la comptabilisation des flux ;
- Maintenir l’objectif de la PPE actuelle de 1,5 GW de nouvelles capacités hydroélectriques de stockage (STEP) à l’horizon 2030-2035, lancer les appels d’offres et mettre en œuvre rapidement un mécanisme de soutien adapté afin de déclencher les investissements.
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