30 septembre 2018
L’Europe de l’électricité a besoin de mécanismes de capacité !
Alors que les négociations sur la réforme du marché de l’électricité battent leur plein, le média européen Euractiv a organisé ce 25 septembre, avec le soutien de l’UFE et de RTE, une conférence à Bruxelles sur le rôle des mécanismes de capacité dans la transition énergétique. Sujet parmi les plus politiques des discussions en cours autour du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens », les mécanismes de capacité sont des instruments permettant de valoriser la disponibilité des capacités de production et d’effacement afin de garantir que la sécurité d’approvisionnement puisse être assurée pour les consommateurs quels que soient les aléas. Or, l’issue des discussions en la matière reste encore incertaine. L’UFE revient sur cet enjeu majeur de la réforme du marché de l’électricité en Europe.
L’enjeu est de taille : dans un contexte de transition énergétique, les règles de marché doivent faciliter l’intégration des énergies renouvelables, permettre au consommateur d’être plus impliqué dans la maîtrise de sa consommation, et garantir que la sécurité d’approvisionnement soit assurée au meilleur coût pour les citoyens.
Deux conceptions du marché qui s’opposent
Or, comme l’a souligné Klaus-Dieter Borchardt, Directeur à la DG Energie de la Commission européenne lors de la conférence, deux visions s’opposent quant à la conception du marché de l’électricité de demain. D’une part, les défenseurs d’une approche dite « energy-only » qui considèrent que le seul le marché permet de garantir la sécurité d’approvisionnement et n’envisagent ces mécanismes, assimilés à de l’intervention publique, qu’en ultime recours. Pour autant, et comme le révèle l’étude conduite en 2014 par l’UFE et son homologue allemand BDEW, le marché de l’énergie seul ne donne pas les signaux d’investissements de long-terme nécessaires pour assurer la disponibilité des capacités de production en cas de pointe de consommation d’électricité ou réaliser le potentiel d’effacement par les acteurs du marché. Défendue par le Conseil de l’Union européenne, et soutenue par l’industrie électrique française et européenne, la deuxième vision défend donc les mécanismes de capacité comme complément, et non comme alternative, à la réforme des marchés de court-terme.
Un filet de sécurité pour la transition énergétique…
L’exemple de la Belgique est ici criant. James Matthys-Donnadieu, responsable du département Développement du marché chez Elia, a souligné qu’en 2025, la Belgique manquera de 6 GW de capacité pour garantir son approvisionnement en électricité, du fait notamment de la fermeture de ses centrales nucléaires. Or, selon un rapport publié par Elia en 2017, même avec les réformes nécessaires et une politique de développement des énergies renouvelables ambitieuse, un marché « energy-only » ne permettra pas de combler les capacités manquantes : 2 GW seraient encore nécessaires, conduisant à une forte hausse du prix de l’électricité pour les consommateurs ! En garantissant la visibilité nécessaire aux investisseurs, un marché de capacité permettrait, selon M. Matthys-Donnadieu, de garantir la sécurité d’approvisionnement en Belgique.
Plus encore, et comme le révèle le cas français, un mécanisme de capacité s’inscrit pleinement dans la transition énergétique. Selon une étude publiée par RTE et présentée par Colas Chabanne lors de la conférence du 25 septembre, 1,7 GW de capacité d’effacement ont été certifiées sur la première année d’enchères du mécanisme de capacité, contribuant ainsi au développement de la flexibilité pour faire face à une part croissante d’énergies intermittentes. Quant à la question des coûts d’un tel mécanisme, soulevée notamment par le député européen Florent Marcellesi (groupe Les Verts), le rapport de RTE montre que le mécanisme français permettrait de générer plusieurs centaines de millions d’euros par an qui pourraient être alloués à d’autres politiques.
…qui nécessite un cadre réglementaire européen adapté
Pour autant, face à la diversité des mécanismes existants, Christof Schoser, Chef d’unité adjoint à la DG Concurrence, rappelle que des règles communes, mises en place au niveau européen et applicables à tous types de mécanismes, sont nécessaires.
D’une part, les mécanismes de capacité doivent répondre à plusieurs critères, tels que listés par la Commission européenne dans les conclusions de son étude sectorielle publiée en 2016. Des mécanismes bien conçus doivent s’appuyer sur un marché, être technologiquement neutres, et permettre la participation des capacités transfrontalières. Pierre Jérémie, Chef du bureau marché à la DGEC, a souligné que le mécanisme français, approuvé en 2017 par la Commission, remplit l’ensemble de ces critères, rémunérant chacune des technologies à concurrence de sa contribution à la sécurité d’approvisionnement. Il a par ailleurs annoncé que la prise en compte des capacités transfrontalières serait possible à la fin de l’année.
D’autre part, à chaque situation correspond son mécanisme : si les réserves stratégiques peuvent être une solution temporaire pour répondre à des enjeux d’adéquation conjoncturelle, les marchés de capacité bien conçus permettent de répondre à un besoin de capacité structurel. Christof Schoser souligne donc qu’il n’est pas souhaitable de défendre un type de mécanisme par rapport à un autre, mais qu’au contraire les mêmes règles doivent s’appliquer à tous ces outils.
La sécurité d’approvisionnement, une responsabilité portée par les Etats-membres
Plus encore que le design de ces mécanismes, la réforme actuelle telle que proposée par la Commission européenne, conditionne la mise en place de mécanismes de capacité par les Etats à une étude d’adéquation réalisée chaque année par ENTSO-E au niveau européen. Pour autant, ENTSO-E a précisé ne pas être en capacité de réaliser une étude aussi fine que les études nationales, et, comme l’a rappelé Pierre Jérémie, les Etats-membres sont in fine responsables de garantir la sécurité d’approvisionnement à leurs citoyens. Si la décision de mettre en place un mécanisme de capacité peut s’appuyer sur des études complémentaires réalisées au niveau national, régional et européen, la décision finale doit incomber aux Etats.
Les négociations sur ce sujet viennent seulement de débuter dans le cadre des trilogues et se poursuivront dans les prochains mois, la présidence autrichienne ayant en effet indiqué vouloir arriver à un accord avant la fin de l’année. Les mécanismes de capacité ont un rôle important à jouer dans l’organisation du marché de l’électricité de demain et pour donner de la visibilité aux investissements et aux acteurs économiques. Les décideurs européens ont donc la responsabilité de garantir que la transition énergétique ne se fasse pas au détriment de l’approvisionnement d’électricité.
À lire aussi
L'observatoire de l’industrie électrique en parle
observatoire-electrique.frPrésentation de l'UFE
L’Union Française de l’Électricité (UFE) est l’association professionnelle du secteur de l’électricité. Elle représente les entreprises de l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur électrique français : producteurs, gestionnaires de réseaux, fournisseurs d’électricité et de services d’efficacité énergétique, en passant par les opérateurs de stockage et des effacements, et du pilotage des consommations.
en savoir +Evènements du secteur
Think Energies 2024 - Réindustrialisation & décarbonation des filières de...
lire la suiteColloque UFE
Colloque 2024
Colloque de l’Union Française de l’Électricité
Le mardi 10 décembre 2024 se tiendra la prochaine édition du Colloque de l'Union Française de l'Electricité à Paris !
Je participe