09 janvier 2009
Les enjeux du secteur électrique
edito: 9 janvier 2009
Le Cabinet de conseil en Management et en Stratégie Opérationnelle «SIA Conseil» a rencontré Robert Durdilly. L’occasion d’échanger sur les enjeux du secteur de l’électricité à court et moyen terme, d’évoquer les problématiques actuelles au cœur des réflexions sur l’évolution des tarifs, et de faire le point sur quelques idées en débat en matière de politique énergétique européenne.
Les défis de demain
Sia Conseil: A court et moyen terme, quels seront les principaux enjeux pour le secteur de l’électricité?
Robert Durdilly: Les enjeux du secteur de l’électricité sont liés aux combats énergétiques auxquels la France devra faire face d’ici 2020, une échéance finalement assez proche. On compte quatre principaux enjeux: Faire face au changement climatique, d’une part par une meilleure maîtrise de la demande d’énergie et de la puissance de pointe, et d’autre part, par le développement des énergies renouvelables, Renforcer notre indépendance énergétique en investissant dans la production et les réseaux électriques. Une récente étude a estimé la hauteur des investissements à 1000 milliards d’euros en Europe à l’horizon 2020 – 2030! Sécuriser les approvisionnements. Concernant ce point, la France disposait jusqu’ici d’une position assez confortable par rapport à ses homologues européens, mais cette avance tend à s’éroder. Au niveau européen, la sécurisation des approvisionnements doit être renforcée et passe par une plus grande solidarité entre pays. Cette meilleure intégration électrique permettra notamment une meilleure gestion de la puissance de pointe et de l’équilibre offre- demande, Améliorer la compétitivité en maintenant une position française privilégiée du fait de la compétitivité de son parc de production.
Sia Conseil: Pensez-vous que les technologies émergentes (captage du C02 – compteurs intelligents – nucléaire de quatrième génération) sont à la hauteur des enjeux énergétiques?
Robert Durdilly: Il existe aujourd’hui sur ces différents sujets une bonne dynamique de développement qu’il convient néanmoins de sécuriser en bâtissant un réel cadre économique et juridique (directives) afin de soutenir au mieux l’innovation. Concernant le captage du CO2, la production d’électricité constitue un terrain d’action privilégié puisque celle-ci est essentiellement centralisée et donc se prête bien à la mise en place de systèmes de stockage et de captage. Les compteurs intelligents permettent, quant à eux, de répondre aux enjeux liés à la maîtrise de la demande d’énergie et à la gestion de la puissance de pointe, les émissions de CO2 se concentrant essentiellement sur ces périodes de pointe en France. Ces compteurs vont permettre d’innover en matière de services. Les commercialisateurs auront ainsi plus de latitude à concevoir de nouvelles offres. Sur le sujet du nucléaire, l’innovation que constituera la filière dite de 4° génération permettra d’économiser les ressources en uranium et de renforcer la sûreté nucléaire. Afin de réaliser tout cela, il est important que l’incitation émane des pouvoirs publics. Il faut donc trouver un bon compromis entre dispositif d’incitation sous forme de subventions, assimilables à des aides d’Etat, et bon fonctionnement du marché sans distorsion de concurrence. Le mécanisme envisagé dans le Paquet Climat–Energie d’affecter une partie des recettes de mise aux enchères des quotas de CO2 est conçu pour permettre le financement des opérations de démonstration de captage et de stockage.
Sia Conseil: Dans la course à la diminution des émissions de CO2 dans le domaine du transport, pensez-vous que le scénario d’une émergence massive des véhicules électriques soit une hypothèse crédible (comme Barack Obama, qui prévoit la commercialisation d’un million de véhicules électriques d’ici 2015)? Est-ce compatible avec une politique de maîtrise de la demande d’énergie et de gestion de consommation dite de pointe, plus émettrice en CO2? Des réflexions sur ce sujet sont-elles engagées?
Robert Durdilly: Un transfert d’usage des énergies carbonées vers des énergies faiblement carbonées, comme l’électricité, s’est déjà imposé dans le secteur du transport, avec le développement du transport ferroviaire et notamment des tramways en ville. Avec l’arrivée des voitures électriques, ce transfert d’usage est potentiellement considérable. Des investissements importants seront nécessaires dans le secteur industriel pour développer et produire ces véhicules mais aussi les infrastructures nécessaires en termes de places de stationnement équipées en systèmes de recharge.
Il existe aujourd’hui plusieurs partenariats industriels entre électriciens et constructeurs automobiles pour assurer ces développements.
Il faut souligner que l’ensemble des batteries d’un parc de véhicules électriques peut constituer un ensemble de stockage de masse très intéressant pour un système électrique. Les recharges pourront, par exemple, s’effectuer la nuit, ce qui permettra d’utiliser les centrales de production en dehors de la pointe.
La politique énergétique Européenne
Sia Conseil: Etes-vous pour le développement de l’énergie nucléaire en vue d’une harmonisation à l’échelle européenne?
Robert Durdilly: Je dirais plutôt que l’émergence d’une politique énergétique européenne devrait favoriser le développement de l’énergie nucléaire! Le fait qu’il n’existe pas de position commune sur le choix du nucléaire à l’échelle européenne est un frein à la constitution d’une véritable politique européenne. Dans ce contexte, il est difficile de faire converger l’ensemble des intérêts des différents pays européens sur le Paquet Energie-Climat. Il faut rappeler que le nucléaire présente de réels atouts au regard de la lutte contre le changement climatique et c’est pour cette raison que le nucléaire se développe en Europe, mais aussi dans le reste du monde.
Sia conseil: Certains spécialistes du secteur prônent d’existence à terme d’un seul réseau commun de transport d’électricité européen, ceci, imposant alors la séparation patrimoniale en France comme dans les autres pays. Partagez-vous cette opinion?
Robert Durdilly: L’intégration européenne passe par une intégration des réseaux mais cette intégration des réseaux n’impose nullement une séparation patrimoniale. En effet, il serait illusoire de croire que «l’unbundling» patrimonial serait une sorte de «baguette magique» permettant de développer les interconnexions.
Les solutions à une meilleure intégration européenne des réseaux et des marchés passent:
par une meilleure coordination entre les différents GRT. Pour cela, nous soutenons la mise en place d’une structure de coordination qui permettrait de définir les standards, de planifier et de coordonner les investissements à l’échelle européenne,
par le couplage des marchés au sein des grandes régions européennes tel qu’il est en train de se réaliser pour les 5 pays de la Région Centre Ouest (inititive pentalatérale qui associe la France, le Luxembourg , l’Allemagne, les Pays bas et la Belgique).
Quant à la mise en place d’un régulateur unique à l’échelle européenne afin d’améliorer l’intégration, celle-ci peut effectivement s’envisager à condition qu’elle ne conduise pas à un affaiblissement du rôle actuel des régulateurs nationaux.
Ouverture du marché et politique tarifaire
Sia Conseil: Parmi les freins à l’ouverture du marché, évoquons la structure des tarifs réglementés intégrant fourniture, part réseau et production. Pour certains consommateurs, cette structure tarifaire ne permet pas aux nouveaux entrants, de proposer une offre compétitive. A terme, il sera nécessaire de faire évoluer cette situation. Contribuer à la réflexion sur l ‘évolution de ces tarifs fait-elle partie de votre scope?
Robert Durdilly : Il existe aujourd’hui effectivement une incohérence entre le TURPE et les tarifs intégrés générant des trappes tarifaires qui sont de véritables freins à l’ouverture du marché à la concurrence. Au delà de cette nécessaire mise en cohérence, il est aussi important de travailler sur le niveau des tarifs permettant de financer les investissements pour assurer le développement de la production et des réseaux dans le contexte d’une forte demande d’énergie faiblement carbonée et d’une concurrence accrue. Enfin, il faut réhabiliter, dans les tarifs, un signal prix incitant à économiser pendant les périodes de pointe où les émissions de CO2 sont les plus fortes. C’est ce que nous appelons, à l’UFE, «Grenelliser» prix et tarifs.
Il faut donc réfléchir à l’évolution systémique du secteur électrique français – régulation, développement de la concurrence, tarifs intégrés, TURPE, marché de gros – et ce, sur chacun des segments de marché. Aujourd’hui, le TARTAM a été conçu comme une «rustine» qui ne traite pas la problématique dans son intégralité. Rappelons qu’il est important que le TARTAM reste transitoire car son maintien compromettrait, à terme, la réalisation des investissements nécessaires dans le secteur.
Sia Conseil: Dans le cadre de cette réflexion, l’UFE sera t-elle consultée par la commission Champsaur récemment nommée par le gouvernement?
Robert Durdilly : Oui, l’UFE participe actuellement à la réflexion globale nécessaire sur ce sujet. Des groupes travail au sein de l’UFE ont été lancés en fin d’année 2008 afin de partager l’ensemble des données liées à cette problématique et de déboucher sur des propositions. Les conclusions seront portées à la connaissance de la Commission dans le courant du mois de janvier 2009.
PARCOURS
Robert Durdilly, cinquante six ans, ancien élève de l’Ecole Centrale de Paris, titulaire d’un DEA de physique statistique, entre en 1976 chez EDF comme ingénieur travaux. Nommé en 2000 Directeur Commercial Particuliers et Entreprises, puis en 2002 Directeur d’EDF-GDF Services, il est promu, en 2004, Directeur Participations et Activités Nouvelles et devient, parallèlement, Directeur Général d’Edev, holding regroupant 80 filiales et participations d’EDF et Président de Tiru, spécialisé dans le traitement de déchets. En 2005, il est nommé en outre Président d’Electricité de Strasbourg. En juin 2007, il entre au Conseil d’administration de l’UFE dont il est élu Président en septembre 2007. (le 09/01/09)
L'observatoire de l’industrie électrique en parle
observatoire-electrique.frPrésentation de l'UFE
L’Union Française de l’Électricité (UFE) est l’association professionnelle du secteur de l’électricité. Elle représente les entreprises de l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur électrique français : producteurs, gestionnaires de réseaux, fournisseurs d’électricité et de services d’efficacité énergétique, en passant par les opérateurs de stockage et des effacements, et du pilotage des consommations.
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