07 avril 2015
L’Afrique et l’enjeu de l’électricité
En lançant le projet « Energies pour l’Afrique » Jean-Louis Borloo a pu déclarer « L’Afrique est notre plus grande chance et notre plus grand enjeu ». Quelle portée représente, en pratique, cette déclaration et plus particulièrement, quel enjeu le développement du système électrique représente-t-il pour l’Afrique ?
La situation énergétique de l’Afrique, en général complétement méconnue, se présente de façon totalement paradoxale. Le continent africain est, en effet, riche en termes de ressources énergétiques et bien pauvre en termes de l’utilisation de ces ressources.
Un énorme potentiel
Côté ressources, l’Afrique dispose ainsi de 10 % des réserves hydrauliques mondiales exploitables, de 10 % des réserves prouvées de pétrole, de 8 % de celles de gaz et de 6 % de celles de charbon. A cela s’ajoute un énorme potentiel photovoltaïque dans les deux zones tropicales, les gisements géothermiques du Rift et les capacités éoliennes d’une quinzaine de zones côtières. Cerise sur le gâteau, l’Afrique subsaharienne recouvre de 60 % des terres arables non encore cultivées au niveau mondial, soit un gigantesque potentiel en biomasse. De plus, l’ensemble de ces ressources présentent l’intérêt d’être non seulement disponibles facilement mais également bien réparties géographiquement. Enfin, une grande partie d’entre elles sont décarbonées et leur mise en œuvre ne devrait donc pas conduire à aggraver la trace CO2 du continent qui reste, au demeurant, encore très discrète. En 2013, les émissions de CO2 du continent ne s’élevaient qu’à 1200 Mt, soit à peine plus que celles de la seule Allemagne (900 Mt), contre 680 en 1990 (soit + 71 %).
L’envers du décor
En revanche, le tableau de l’énergie disponible, particulièrement de l’énergie électrique, est nettement plus inquiétant. Ainsi, la capacité de production totale d’électricité de l’Afrique s’élève à 114 GW, ce qui correspond à peu près aux 120 GW dont nous disposons en France pour 65 millions d’habitants, sauf que pour l’Afrique il s’agit…d’un milliard d’habitants ! Pire encore, si on exclut l’Afrique du Sud du total, les 860 millions d’habitants de l’Afrique subsaharienne ne disposent plus que de 74 GW, capacité comparable à celle du Royaume-Uni. Autre problème, les infrastructures de transport d’électricité sont très limitées tant géographiquement qu’en termes de puissance. Une seule grande interconnexion devrait relier l’Afrique du Sud à la RCA, mais elle n’est encore qu’au stade de projet. De surcroît, l’âge moyen des équipements atteint 44 ans voire 60 ans pour certains. ce qui explique leur manque de fiabilité, des pannes répétitives, aggravées par les phénomènes climatiques de la saison des pluies. A ce tableau s’ajoutent des standards techniques qui ne sont pas identiques entre les Etats (voltage, normes des matériels,…) et environ un quart des capacités qui sont, tout simplement, hors d’état de fonctionner. Enfin, le dernier point à prendre en compte est celui du déséquilibre géographique. L’Afrique du Sud et l’Egypte possèdent à elles seules 65 % des capacités de productions du continent, ce qui veut, a contrario, signifie que 33 Etats disposent de capacités inférieures à 500 MW (l’équivalent d’une unique centrale charbon) et que 11 n’ont même pas 100 MW (soit l’équivalent d’une trentaine d’éoliennes).
Un enjeu pour tous
Sans doute les causes de cette situation sont multiples mais parmi elles, il est probable que le poids de l’histoire coloniale, des marchés trop étroits portés par des économies fragiles, tout comme des défaillances politiques et économiques, tant au niveau des Etats que de l’aide internationale, ont constitué autant de facteurs aggravants. Faire face à l’enjeu énergétique en Afrique sera de surcroît compliqué par la pression démographique, puisque, selon l’INED, l’Afrique devrait abriter, en 2050, le quart de la population mondiale, soit plus de 2,4 milliards d’habitants (contre 1,1 milliards actuellement).
Dans l’absolu, on pourrait donc déclarer que c’est à un chantier gigantesque que s’attaque le projet « Energies pour l’Afrique » porté courageusement par Jean-Louis Borloo. La World Bank estime à 40 Mds d’Euros par an d’investissement pendant 10 ans pour rattraper le retard et accompagner la croissance de la demande. Mais la World Bank estime également que chaque euro investi dans le système électrique sera susceptible de créer 15€ de PIB supplémentaire. L’enjeu est donc clairement économique, social, environnemental pour toute l’Afrique ; et de sa réussite dépend sans doute aussi une partie de la stabilité géopolitique de ce continent. Nul doute aussi que la réussite de la COP 21 passera probablement par le traitement international de cette situation.
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