23 mars 2015
Enquête sur les tarifs de l’électricité : un rapport qui pose – enfin- les vrais problèmes !
Après plus de six mois de travail, la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale sur les tarifs de l’électricité a rendu son rapport il y a quelques jours. Le résultat va bien au-delà d’un simple examen des tarifs réglementés de vente. C’est une approche globale qui souligne la nécessité de revoir le cadre régulatoire du marché de l’électricité en y intégrant, aussi, la dimension européenne. Un travail de fond qui pose, clairement, les vrais problèmes…
Si le rapport avait pour mission initiale d’examiner le système tarifaire de l’électricité, en réalité, à la sortie, c’est une analyse en profondeur de l’ensemble du fonctionnement du marché qui est faite. Et le constat est clair : le dispositif actuel des tarifs de l’électricité est « en bout de course » ; plus globalement, c’est tout le cadre de régulation français du marché qu’il faut revoir pour l’adapter aux enjeux et besoins du secteur, aujourd’hui en pleine mutation.
Peut-on encore parler d’un marché ?
Car la réalité a rattrapé tout le monde : la France est entrée à reculons dans la libéralisation du marché de l’électricité. Elle a multiplié les exceptions, les régulations (ARENH, Obligations d’achat…). Et le bilan est aujourd’hui implacable : le secteur se retrouve avec les inconvénients du marché libéralisé sans en avoir ses avantages. Les tarifs de l’électricité ne reflètent plus les coûts, alors que la concurrence peine à se mettre en place, bloquant l’innovation au profit des consommateurs. Les investissements privés sont en panne sauf à recourir à toute une série de mécanismes de compensation et autres subventions qui biaisent le fonctionnement du marché tout en alourdissant un peu plus chaque année soit les finances publiques, soit la facture du consommateur. Le texte pointe aussi la faiblesse de l’approche Européenne selon laquelle l’intégration doit se faire autour du seul prix de marché de l’électricité, quand bien même la non-harmonisation des politiques (du dispositif de soutien au choix ou à l’élimination de telle ou telle technologie) peut conduire à des aberrations économiques. D’où la question, aujourd’hui évidente, posée par la Commission d’enquête dans son rapport : « Un marché sur lequel plus aucun investissement ne peut se faire sans le soutien de la puissance publique peut-il encore être qualifié de marché ? ». Car, comme le dit depuis longtemps l’UFE, la « première concurrence » est celle qui joue à l’investissement, entre technologies et entre investisseurs, au niveau de la production comme de la maîtrise de la demande, sans subvention (hors phase de R&D), avec une espérance de rentabilité économique normale, chacun assumant son risque industriel, afin de dynamiser l’innovation. La réponse n’est certainement pas le retour à ce que certains, en France, appellent le bon vieux « monopole » car nul ne songe désormais à remettre en cause les Directives européennes de libéralisation. La France doit comprendre que la concurrence favorise l’innovation et l’optimisation des coûts et des prix. Pour cela, il faut une organisation du marché qui prenne en compte les fondamentaux de l’électricité : l’énergie et la puissance. Et il est aujourd’hui essentiel de comprendre deux choses : d’une part, le fait que la digitalisation va introduire des bouleversements profonds dans l’ensemble du système électrique ; d’autre part, que l’électricité est précisément le vecteur par excellence d’une transition énergétique vers une économie bas carbone, tout comme celui d’une baisse drastique de l’intensité énergétique d’une économie en croissance et non en repli, grâce au progrès de la digitalisation. Si les investissements sur le long terme ne peuvent plus se faire parce que les acteurs n’en n’ont plus les moyens, laminés par des réglementations contre-productives et des objectifs politiques de court terme, c’est toute la sécurité du système électrique qui est menacée, sa modernisation aussi avec, à terme, une croissance qui ne sera pas au rendez-vous. Le rapport insiste donc sur la nécessité de définir un cadre de régulation pertinent qui réponde à trois objectifs : la couverture des coûts et la visibilité des acteurs pour investir ; la protection du pouvoir d’achat, le renforcement de la compétitivité et la sécurité d’approvisionnement ; la réalisation des objectifs de la transition énergétique.
Se redonner les moyens d’investir
Les députés préconisent d’ouvrir la voie à de nouvelles approches. Ainsi, puisque l’Arenh n’a permis qu’une activité « d’achat-revente » sans réelle concurrence sur l’ensemble de la chaîne de valeur, le rapport suggère de faire évoluer son mécanisme vers un dispositif de co-investissement. Compatible avec la réglementation Bruxelloise, celui-ci permettrait à la fois de partager effort financier et risques entre opérateurs, et d’associer les fournisseurs alternatifs et les électro-intensifs. Le rapport va plus loin encore dans sa réflexion sur l’évolution de la tarification. Constat : la consommation d’électricité stagne voire baisse ; la tarification dite « traditionnelle » fondée sur la quantité d’énergie consommée n’est clairement pas adaptée puisque c’est bien la puissance appelée qui dimensionne le système électrique, et non l’énergie consommée. Dès lors, la proposition est de passer à une logique de forfait qui distinguerait les consommations à bas prix sur des plages horaires étendues de celles, à un prix beaucoup plus élevé, concentrées à certaines périodes. Pour l’UFE, si une telle approche est bien articulée autour de la puissance appelée aux heures critiques pour le système électrique et sur le principe de la flexibilité de la demande nécessaire, demain, avec le développement des renouvelables, elle devra alors être encouragée. Enfin, parmi les nombreuses préconisations que l’on trouve tout au long de ce rapport, l’accent est mis sur la nécessité d’une coordination européenne. On ne peut qu’approuver ! Le couplage des marchés nécessite une véritable intégration des politiques énergétiques, dimension trop peu prise en compte aujourd’hui dans les politiques énergétiques nationales. Le rapport suggère ainsi un « Pacte électrique de sécurité d’approvisionnement et de transition énergétique » qui reposerait sur une programmation pluriannuelle des investissements partagée par l’ensemble des Etats-membres. Pour l’UFE là encore, il est en effet essentiel de parvenir à mutualiser, à l’échelle européenne, des moyens de production afin d’en réduire les coûts. Une harmonisation des marchés de capacité à la maille régionale européenne s’inscrirait pleinement dans une telle perspective.
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