11 mars 2018
Energies renouvelables : quand l’Etat au service d’une société de confiance introduit une insécurité contractuelle
Le projet de loi pour une société de confiance sera examiné en séance publique au Sénat à partir du 13 mars. Par un amendement à l’article 34, le Gouvernement a souhaité ajouter au Code de l’Energie la possibilité de renégocier les conditions des offres retenues à la suite de procédures de mise en concurrence. Pour l’éolien en mer, ces dispositions peuvent aller jusqu’à l’annulation rétroactive des autorisations déjà accordées. Un signal qui risque de provoquer la méfiance de toute une filière et un coup de frein à la transition énergétique…
L’Etat français a lancé plusieurs appels d’offres portant sur des installations d’éoliennes en mer. Ils doivent permettre d’ériger plusieurs parcs éoliens au large des côtes françaises, pour une capacité installée totale de 3000 MW en 2023. Pour un ensemble de raisons, la réalisation des premiers parcs français a pris plusieurs années de retard et, pendant cette période, les progrès de cette filière encore jeune ont conduit à d’importantes baisses de coûts.
Un calcul de court terme, perdant à moyen et long terme
Il est donc tentant pour le Gouvernement, alors qu’il a déjà désigné les lauréats, de vouloir renégocier avec eux le montant de la rémunération sur laquelle ceux-ci ont basé leur offre. Mais, même si cette disposition est présentée comme se faisant « avec l’accord du candidat retenu » et s’il est légitime d’ouvrir une discussion sur la façon dont, pour les futurs appels d’offres, sera prise en compte la baisse des coûts constatés aujourd’hui ou anticipés demain, le faire pour les offres déjà attribuées s’apparente à une mesure rétroactive particulièrement discutable. Pis, pour le cas limité aujourd’hui à l’éolien mer, le Gouvernement se réserve le droit d’annuler les autorisations accordées en cas d’échec des négociations.
Pour cette filière visée aujourd’hui, comme pour toutes les énergies renouvelables, déjà confrontées à de multiples difficultés génératrices pour les projets en France de délais bien supérieurs à ceux observés dans les autres pays européens, la sécurité des investissements et la visibilité sur le cadre de soutien dans la phase d’émergence et de structuration de ces filières est indispensable.
Réaliser les objectifs de la transition énergétique portés par le Gouvernement implique une diversification du mix électrique français et la montée en puissance des énergies renouvelables. Cela nécessitera de mobiliser de nouveaux capitaux et il est primordial de préserver un climat de confiance pour l’ensemble des investisseurs et des acteurs économiques. A cet égard, le projet d’amendement proposé par le Gouvernement est un mauvais signal.
Les appels d’offres doivent être consolidés, car ils tirent les coûts vers le bas
Au contraire, les procédures d’appels d’offres doivent être consolidées, sécurisées juridiquement, pour attirer plus de projets. Plus le niveau de confiance dans le dispositif est grand, plus la concurrence s’exerce, plus les investisseurs sont prêts à de bas niveaux de rémunération du capital, et plus les coûts des projets diminuent. Ce cercle vertueux a déjà fait ses preuves, par exemple pour l’éolien terrestre, puisque les tarifs demandés par les lauréats ne cessent de baisser et se situe déjà bien en-dessous des précédents tarifs d’achat. Pour l’éolien en mer, les tarifs ne cessent de baisser chez nos voisins européens et c’est cette voie de la constance qu’il nous faut suivre plutôt que souffler en permanence le chaud et le froid.
Il est évidemment légitime que le Gouvernement soit vigilant à ce que les soutiens aux énergies renouvelables, comme aux autres investissements, soient favorables à l’innovation, à la structuration de filières génératrices d’emplois dans les territoires et financièrement soutenables pour les consommateurs. Il faut que les gains de compétitivité constatés, souvent permis parce que les filières ont été soutenues même lorsque leurs coûts étaient initialement élevés, bénéficient à la collectivité. Mais cela ne peut se faire par une insécurité juridique qui, in fine, renchérira le coût global payé par tous pour la transition énergétique.
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