08 février 2021
Dépense-t-on vraiment plus d’un SMIC brut pour se chauffer ?
Le 14 janvier dernier, Effy, acteur de la rénovation énergétique et délégataire CEE, dévoilait « les chiffres 2020 de la facture de chauffage des Français ». Le constat dressé est alors glaçant : « la facture de chauffage des Français atteint 1 684 € en 2020 », soit plus d’un SMIC mensuel brut ! Pire, le chauffage électrique serait la source d’énergie la plus onéreuse au mètre carré devant le fioul, avec 16 €/m² soit une facture annuelle moyenne de 1 777 €. Il n’en fallait pas plus pour que l’information soit reprise par de nombreux médias. L’UFC-Que Choisir y consacre notamment un article intitulé « Chauffage – L’électrique hors de prix », fustigeant ainsi les derniers arbitrages gouvernementaux autour de la future réglementation des logements neufs.
Qu’en est-il vraiment de la facture moyenne des Français ?
Les données du ministère de la Transition Écologique apportent un premier élément de réponse : en 2019, les Français consacraient en moyenne environ 1 552 €/an pour les dépenses énergétiques de leur logement[[Source Bilan énergétique de la France en 2019. « La facture moyenne d’énergie des ménages s’élève à 3 140 € en 2019 (dont 1 400 € de taxes), et est répartie à parts presque égales entre le logement et les carburants ».]]. Ce montant comprend toutes les dépenses énergétiques du logement à savoir le chauffage bien sûr, mais aussi la production d’eau-chaude sanitaire, la cuisson, l’éclairage, la ventilation ainsi que toutes les consommations des appareils électroménagers et numériques, de plus en plus nombreux. Difficile donc de croire que, en moyenne, la seule facture de chauffage peut atteindre les niveaux faramineux repris dans les articles.
Sur la base des données publiques relatives aux consommations énergétiques dans le bâtiment mises à disposition par le Centre d’études et de recherches économiques sur l’énergie (CEREN) et des données de prix publiées notamment par le Service de la donnée et des études statistiques rattaché au ministère du Logement, de la transition énergétique et des transports[[Les liens vers ces données sont disponibles sur demande]], l’UFE a reconstruit la facture moyenne des Français en matière de chauffage pour l’année 2019 par type d’énergie… Et les résultats obtenus sont bien loin de ceux issus de l’évaluation proposée par Effy.
En effet, parmi les trois vecteurs énergétiques communément utilisés pour le chauffage, c’est-à-dire le fioul, le gaz et l’électricité, la facture des ménages se chauffant à l’électricité s’avère être la moins élevée, avec 558 €/an de chauffage, suivi par le chauffage au gaz avec 744 €/an. Les données du CEREN et du SDES font ressortir que le chauffage au fioul est le plus onéreux avec une facture moyenne de 946 €/an. Si l’on tient compte de l’utilisation de bois comme source de chauffage secondaire, les ménages utilisant l’électricité pour se chauffer dépensent 726 €/an, ceux utilisant le gaz 834 €/an alors que ceux ayant recours au fioul dépensent au total 1 279 €/an.
« D’accord mais rapporté au mètre carré, le chauffage électrique reste quand même plus onéreux non ?» Eh bien non ! En tenant compte de la superficie moyenne des logements, le chauffage électrique (en plus du bois) reste la solution la plus économe avec un coût d’environ 7,9 €/m² !
Pourquoi ces différences ? Une question de représentativité…
Comme cela est précisé sur le site d’Effy, l’évaluation de la facture de chauffage se base sur la déclaration de 10 284 utilisateurs des simulateurs proposés sur ses sites.
Si l’échantillonnage est une méthode statistique reconnue, la généralisation des résultats obtenus sur un échantillon suppose qu’il soit représentatif (des ménages français en l’occurrence). Or, aucune information n’est donnée sur la représentativité de la population française de cet échantillon (niveaux de revenus, localisation géographique, tranches d’âge, type de logements…). Il y a fort à parier que les ménages s’informant sur les sites de cette société résident dans des logements plus anciens, dont les performances énergétiques sont plus mauvaises que la moyenne française. En plus de ce probable biais statistique, les niveaux pris en compte dans l’évaluation des factures, basés sur des déclarations, présentent un risque d’erreur non négligeable qu’il est habituel de prendre en compte lors de l’interprétation de résultats de sondage.
Par ailleurs, l’estimation de facture par Effy est basée sur un calcul de consommations conventionnelles (c’est-à-dire estimées par des outils de calcul du type DPE – méthodes 3CL notamment) et non sur des factures réelles. Or ce type d’estimation des consommations, qui ne tient pas compte du comportement des occupants des logements[[Modification des comportements en fonction de la classe énergétique (restriction, gestion énergie différenciée par pièce…).]] , tend à surestimer les consommations réelles pour les logements peu efficaces, certainement surreprésentés dans l’échantillon étudié.
Malgré les mentions précisées, même brièvement, sur le site d’Effy concernant la méthodologie employée pour l’évaluation des factures, il est regrettable que peu d’articles relayant les conclusions de l’étude aient fait état de tels biais. Au contraire, nombre d’articles ont grossi le trait des conclusions de cette évaluation. Certains l’ont même utilisée pour dénoncer les choix gouvernementaux en matière de politique énergétique dans les bâtiments neufs, ignorant en outre l’amélioration croissante de la performance énergétique de ces bâtiments !
Une facture moyenne moins élevée, mais faut-il s’arrêter là ?
Non bien sûr ! Ces résultats ne doivent pas occulter le fait que les disparités en matière de facture énergétique peuvent être importantes entre les ménages français et qu’il est primordial de moderniser les dispositifs de chauffage pour réduire les consommations énergétiques des ménages et pour atteindre les objectifs de la France en matière d’efficacité climatique.
Dans cette optique, l’UFE a publié en novembre 2020 une étude portant sur les solutions électriques performantes dans le bâtiment. Ainsi, grâce au déploiement de solutions électriques performantes telles que les pompes à chaleur, qu’elles soient sur boucle d’eau chaude (PAC air/eau ou géothermique par exemple) ou non (PAC air/air), les Français peuvent réduire significativement leur consommation énergétique et donc leur facture de chauffage. Ces PAC sont en effet 3 à 4 fois plus performantes que les vieilles chaudières ou les vieux convecteurs. Ces solutions permettent également de contribuer au confort d’été en refroidissant les logements lors des périodes de fortes chaleurs qui se multiplient.
Ces solutions sont celles qui sont mises en avant dans la future réglementation du bâtiment en soutien à une part plus importante de l’électricité qui est très largement décarbonée en France. Elles contribueront à assurer la décarbonation du bâtiment tout en préservant la facture des ménages. En rénovation, en revanche, en dépit de leur performance énergétique et climatique, les PAC air/air sont exclues des dispositifs d’aides publiques telles que « MaPrimeRénov’ » alors que ces solutions s’appuient pourtant sur une filière industrielle française forte en Europe et dans le monde.
Et parce qu’un peu de pédagogie, de rationalité et d’objectivité ne font jamais de mal dans un débat qui déchaîne les passions, l’UFE vous propose de revenir dans un nouvel épisode des podcasts « De l’électricité dans l’air » sur les solutions électriques innovantes et les enjeux en matière climatique, avec Bernard Salha, président de la Commission Prospective et Innovation de l’UFE.
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