09 décembre 2019
10 ans de colloque de l’UFE : fiers d’être électriques !
Si depuis 10 ans les transformations se sont accélérées pour l’industrie électrique, les 10 ans à venir seront tout aussi porteurs de changements. 10 ans, c’est le temps qu’il nous reste pour infléchir le réchauffement climatique, ce n’est plus le temps des grands discours mais le temps de l’action. Deux conditions essentielles de succès sont ressorties des débats du colloque de l’UFE : collaboration entre acteurs, et innovation pour une industrie porteuse de croissance et d’emplois.
D’emblée, la Secrétaire d’Etat Emmanuelle Wargon a insisté sur les efforts dont il va falloir redoubler, alors que la COP25 s’est ouverte sur un constat de retards généralisés par rapport à la « trajectoire 2 degrés ». Elle a salué l’exemplarité de la filière électrique française et son engagement à trouver des solutions. Elle a annoncé que « le contenu CO2 de l’électricité serait revu à la baisse pour être plus proche de la réalité », ce qui permettrait de tirer, de façon plus objective, tout le potentiel de cette électricité décarbonée pour le secteur du bâtiment. Alors que la transition écologique est vécue comme une source d’angoisses par beaucoup de nos concitoyens, elle a appelé tous les acteurs à démontrer que l’on pouvait « mieux vivre dans un monde décarboné », avec en particulier des bâtiments rénovés.
Pour les entreprises, un enjeu stratégique majeur
Les exemples d’Engie et de Vattenfall ont montré une grande convergence de vue et une volonté partagée d’apparaître comme des entreprises pionnières dans la transition énergétique. Pour Isabelle Kocher, l’engagement des entreprises est aussi un « enjeu réputationnel » et de recrutement des talents des jeunes générations. Au registre des progrès collectifs nécessaires, elle a regretté le manque de transparence dans l’utilisation de l’épargne, ne permettant pas un engagement climatique des épargnants au même titre que celui des citoyens et des consommateurs, et a plaidé pour une plus grande exigence de contenu local dans les appels d’offres publics afin de soutenir l’industrie nationale et européenne. Magnus Hall, également Président d’Eurelectric, a insisté sur la nécessité d’une véritable politique industrielle pour aider le secteur à investir la centaine de milliards d’euros par an qui sera nécessaire au niveau européen. Il a aussi souligné que l’électrification était incontournable pour atteindre la neutralité carbone et l’a notamment illustré par plusieurs exemples tirés du secteur industriel.
L’Europe doit renforcer la cohérence de son action climatique
François Brottes, Président de RTE, a d’abord rappelé que sans les réseaux la transition était impossible. Avec le retrait, en France et dans toute l’Europe, d’importantes puissances de centrales thermiques, il faut rester vigilants car les réseaux seront fortement sollicités dans les années à venir. Toutes les solutions de flexibilité seront les bienvenues, et il a appelé en particulier à développer l’effacement dans le tertiaire, dont les gisements sont « considérables ».
Anna Colucci a esquissé au nom de la Commission Européenne les contours du prochain European Green Deal. L’objectif de la nouvelle Commission est de mettre la lutte contre le changement climatique au cœur de son mandat, et de le décliner dans ses instruments de politique publique, tels que le marché des quotas carbone, les lignes directrices encadrant les aides d’Etat, le financement des projets d’intérêt européen, et la taxe carbone aux frontières. Olivier Baud, PDG d’Energy Pool, a jugé cette taxe aux frontières absolument indispensable, sans quoi l’action européenne se résume à une « délocalisation de notre CO2 ».
Hélène Burlet a témoigné de la part du CEA-LITEN que de nouvelles technologies disponibles en laboratoire apportent des gains importants d’efficacité énergétique, notamment dans le domaine des batteries et du photovoltaïque, qu’il s’agit désormais de mettre sur le marché à des prix compétitifs. Pour elle, l’innovation est une des clés pour répondre au défi climatique et développer dans le même temps l’industrie en France. Marc Benayoun a souligné en cela les efforts considérables de R&D du groupe EDF. Il a aussi plaidé pour un cadre européen stable permettant les investissements décarbonés dans la filière. Or il estime que le cadre actuel rend quasiment impossible de garantir des offres à plus de 5 ans et de répondre à la visibilité demandée par les clients industriels.
La collaboration public-privé, une nécessité
Les regards croisés sur la transition énergétique entre Renaud Muselier et Sylvie Jéhanno ont apporté des points de vue complémentaires et convergents sur des démarches territoriales réussies. Pour le Président de Régions de France, une bonne articulation est indispensable entre la politique énergétique nationale et la politique énergétique locale, ainsi qu’entre le monde politique et le monde industriel, dont c’est le « rôle de proposer les solutions qui permettront de décarboner les différents secteurs de l’économie ». La PDG de Dalkia a constaté que « le sujet de la lutte contre le changement climatique est systématiquement dans les 3 premières priorités des présidents de région ou de métropole, et souvent la première ». Elle a cité les Délégations de Service Public pour l’exploitation des réseaux de chaleur et les Contrats de Performance Energétique avec les lycées et collèges comme exemples de collaborations réussies entre le politique qui fixe les objectifs et les industriels qui concrétisent les projets. Les enjeux d’attractivité et d’anticipation des compétences ont également été identifiés comme un enjeu majeur de la filière et les démarches prospectives dans le cadre de l’EDEC Filière électrique et du CSF Industries des Nouveaux Systèmes Energétiques saluées pour leur caractère mobilisateur et innovant.
Un écosystème économique tout entier tourné vers le climat
Pascal Lagarde a fait part de l’engagement de plus en plus marqué de fonds souverains du monde entier en faveur du climat et a affiché la volonté de BPI France « d’augmenter ses investissements verts et d’accompagner les entreprises françaises dans ce domaine, notamment à l’international », sur lequel trop peu de PME sont bien représentées. Benoît Coquart a pu témoigner que pour une entreprise comme Legrand le marché était absolument international, et que la Transition Energétique et la Transition Numérique étaient au cœur de leurs activités. Il a pu rappeler que la normalisation était un outil essentiel pour être présent à l’international et que celle-ci, trop souvent assimilée à une contrainte, était là avant tout « pour le bénéfice des consommateurs », notamment en matière de sécurité.
Thibault Gouache, Président de Cornis, s’est réjoui de la présence en France de « champions mondiaux des EnR », ce qui offre aux start-ups et aux PME un « terrain de jeu incroyable » avant d’aller à l’export. Il a néanmoins encouragé les grandes entreprises à plus agir pour maintenir le tissu industriel local, notamment au travers de leur politique d’achats, et à ne pas tomber dans « l’innovation washing ».
Au nom d’Engie Impact, qui conseille et accompagne les entreprises dans leur stratégie bas carbone, Mathias Lelièvre a témoigné d’une profonde « bascule du secteur privé pour le développement durable, qui devient un sujet stratégique, suivi par les COMEX et les CEO des entreprises ». Carmen Munoz-Dormoy, Directrice Générale de Citelum, a également noté que « dans la lutte contre le changement climatique les villes prennent le pouvoir ». Mais elle estime qu’elles ne pourront pas réussir seules et que les Etats et les entreprises doivent les accompagner.
La confiance, indispensable pour relever le défi du bâtiment bas carbone
Malheureusement, l’augmentation du volume d’activités liées à la transition énergétique, en particulier sur les segments soutenus par des dispositifs publics, entraîne dans son sillage une recrudescence inquiétante des démarchages abusifs et des pratiques commerciales abusives et trompeuses, dont la DGCCRF est saisie de plus en plus fréquemment. Pierre Chambu a annoncé en conséquence la création d’un groupe de travail dédié à la transition énergétique, au sein du Conseil National de la Consommation, « afin de lutter plus efficacement contre les fraudes ».
Redonner confiance aux consommateurs est d’ailleurs une des recommandations fortes de l’étude de la filière électrique consacrée au bâtiment, dont Pascale Jean, associée chez PwC, a présenté les grandes conclusions. Cette étude démontre comment l’électricité doit jouer un rôle majeur pour faire émerger un bâtiment performant, résiliant et évolutif, au service de l’usager. Emmanuel Gravier, Président de la FFIE, a d’ailleurs remercié l’UFE d’avoir rassemblé la filière électrique française pour qu’elle parle d’une voix commune sur des sujets aussi importants que la place de l’électricité dans le bâtiment et le nécessaire développement des compétences. La vision proposée est ancrée dans une tendance déjà enclenchée, car pour lui « les installations alliant efficacité énergétique, EnR et numérique sont en plein boom ».
Julien Hans, du CSTB, a rappelé que les premiers résultats de l’expérimentation « E+C- » montraient qu’il y avait « encore des gains considérables à aller chercher », et que le bâtiment devait s’inscrire dans une ambition zéro carbone comme cela est souligné dans l’étude. Olivier David a indiqué que la DGEC partageait également les conclusions de l’étude quant au rôle central que l’électricité serait amenée à jouer dans le bâtiment, compte tenu de la sortie programmée de toutes les énergies fossiles. Il a exprimé le souhait que le DPE soit le plus compréhensible possible pour les usagers, en mettant en avant l’énergie finale consommée, et rappelé que les CEE ne devaient pas conduire à des augmentations de GES. Pour le bâtiment neuf, il a confirmé que, en plus de la baisse du facteur d’émission de l’électricité, le coefficient de conversion en énergie primaire serait revu à 2,3, permettant la prise en compte de la durée de vie du bâtiment. Il a souligné que « des solutions qui étaient permises par la RT2012 ne le seront plus par la RE2020 ». En réponse à certaines critiques émises contre cette prochaine réglementation, Philippe Pelletier, Président du Plan Bâtiment Durable, a salué la qualité de la concertation qui, depuis plusieurs années déjà, permet les échanges de points de vue entre l’administration et l’ensemble des professionnels. Il a également apprécié que l’étude de la filière électrique mette en relief la « nécessité de faciliter la transition énergétique via le traitement de sujets plus vastes comme la prise en compte du vieillissement de la population ».
Innover pour progresser
Philippe Monloubou et Jean-François Carenco ont ensuite dialogué sur les différents moyens d’impulser l’innovation sur l’ensemble du système électrique. Le Président de la CRE a ainsi déclaré que « c’est la vertu première de la concurrence » que de pousser les acteurs économiques à innover. Mais c’est aussi à la régulation de l’encourager et de « faire en sorte que tout le monde aille de l’avant » au sein d’un système à la fois décarboné et solidaire. Le Président d’Enedis a rappelé que, sans innovation, il ne serait pas possible « d’accompagner la dynamique de transformation », citant l’exemple des données comme un nouveau champ complet d’activités pour les distributeurs. Il a souligné que l’innovation est également dans les solutions différenciées répondant aux attentes des territoires.
Le grand débat de clôture entre Philippe Varin, Catherine Guillouard, Patrick Pouyanné et Jean-Bernard Lévy a permis de rebondir sur l’ensemble des thèmes de la journée : nécessité de concilier lutte contre le changement climatique et politique industrielle, d’innover, de s’appuyer sur les atouts de l’électricité. Le Président de France Industrie a ainsi rappelé que « produire en France est un moyen de réduire les émissions de CO2 » et plaidé pour une vision d’ensemble des enjeux climatiques de tous les secteurs émetteurs : mobilité, bâtiment, industrie, agriculture. L’exemple des transports a fortement été développé, en particulier avec les objectifs de la RATP de fortement réduire ses consommations et ses émissions d’ici 2024. Sa PDG a en particulier souligné les investissements considérables que représente la conversion de sa flotte de bus, en grande partie vers des véhicules électriques. Le PDG de Total a également rappelé l’orientation de son groupe vers toutes les activités électriques – production, fourniture, services de mobilité – en tant que relais de croissance. Il a néanmoins exprimé des doutes sur la capacité des industriels européens à concurrencer la Chine sur l’industrie des batteries. Le PDG d’EDF a confirmé que l’électricité était un atout de compétitivité pour l’industrie mais a surtout tenu à rappeler que le secteur de l’électricité, lui-même, était une industrie, pourvoyeuse de richesse économique et d’emplois. Il a estimé que, face à l’urgence climatique, « on n’a pas le choix », et mis en avant la nécessité d’investir dans les technologies qui apportent des solutions zéro carbone.
Tout au long de cette journée, réunissant tous les acteurs du secteur, un mot d’ordre a transpiré : l’électricité doit être un motif de fierté ! Elle fait tourner l’économie, elle est produite en France avec de très faibles émissions de carbone et le système électrique se transforme à un rythme inédit pour jouer un rôle croissant dans l’économie et intégrer les évolutions sociétales. Pour contribuer ainsi à la lutte contre le changement climatique et continuer à créer de la richesse sur nos territoires, elle a besoin de toutes les initiatives, tous les talents, toutes les compétences !
1. La filière électrique est représentée par la FFIE, la FFIEC, le Gimelec, Ignes, l’association Promotelec, le Serce et l’UFE.
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