09 janvier 2017
Loi de finances 2017 : La voie de la vertu climatique ?
La loi de finances 2017, bien qu’âprement débattue à l’Assemblée Nationale, a réservé quelques surprises énergétiques. En particulier, une modification du financement des ENR électriques peu commentée dans la presse et pourtant essentielle, a été introduite dans le système fiscal de notre pays…
Via un amendement présenté par le Gouvernement, le financement du soutien aux ENR a été structurellement réorienté durant les discussions à l’Assemblée Nationale (1° lecture). Depuis 2015, le soutien financier aux Energies renouvelables (principalement PV et éolien) est repris par le Compte d’Affectation Spéciale Transition Energétique. En 2016, ce compte était alimenté par une taxe payée par les consommateurs d’électricité.
Le financement des ENR électriques est maintenant porté par la consommation des produits pétroliers
Le Gouvernement a choisi de l’alimenter par une part significative du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui s’applique essentiellement aux produits pétroliers (6,9 Milliards d’Euros sur les plus de 17 Milliards d’Euros collectés nationalement par cette taxe vont aller abonder le compte d’affectation spéciale). Le (petit) complément au financement du CAS Transition Energétique est apporté par une fraction de la taxe intérieure sur les houilles, lignites et cokes pour un montant de 1 Million d’Euros. La taxe utilisée en 2016 sur la consommation d’électricité reste applicable mais son produit est versé au budget général de l’Etat. Dès 2017, ce sont enfin les énergies fossiles qui financent les ENR, et non plus ceux qui les consomment.
Une concrétisation des orientations portées par les accords de Paris
Cette nouvelle orientation du financement des ENR en France confirme un virage profond de la politique fiscale de notre pays que l’UFE appelle de ses vœux depuis plusieurs années : assurer le financement des énergies renouvelables par les énergies les plus carbonées. Cette évolution couplée à la confirmation de la trajectoire de la contribution climat énergie (30,5 €/tCO2 en 2017, 39 €/tCO2 en 2018, et 47,50 €/tCO2 en 2019) marque l’engagement de la France vers la Transition Energétique dans la suite des accords de Paris.
Malgré un changement de philosophie comptable, le Gouvernement n’allège pas pour autant la fiscalité sur l’électricité…
Le message politique est clair, mais il ne va pas assez loin. La Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Electricité (TICFE, ex-CSPE) est maintenue à 22,5 €/MWh. Le produit de ses recettes est reversé au budget général de l’Etat bien au-delà des besoins de la politique de service public de l’électricité (péréquation tarifaire et tarifs sociaux) qui ne représentaient que 24% des charges associées à la CSPE. Ainsi, si l’opération fiscale réalisée par le Gouvernement est blanche pour les recettes de l’Etat (ce qui était reversé au titre de la TICPE dans le budget général de l’Etat est intégralement compensé par le versement de la TICFE), l’électricité reste l’énergie thermique la plus taxée (entre 31 et 38 €/MWh, contre 8 à 15 €/MWh pour les autres énergies de chauffage). Ce qui constitue un contre-message puisque c’est une énergie pourvoyeuse d’emplois non délocalisables et largement décarbonée.
…et rend le dispositif structurellement incertain
A plus long terme, le versement du produit de la TICFE dans le budget général de l’Etat, et alors que les évolutions à la hausse de la CSPE étaient justifiées sur la base de la prise en charge du financement d’un certain nombre d’actions (soutien aux ENR, péréquation tarifaire, tarifs sociaux, etc…), le nouveau dispositif exonère de fait les évolutions de la TICFE à une quelconque évolution de charges préalablement identifiées. Dans un contexte budgétaire difficile et à l’occasion d’une prochaine loi de finances, la TICFE pourrait donc être revue à la hausse sans justification particulière (alors qu’auparavant son niveau faisait l’objet d’une délibération de la CRE) et aggraver encore le poids de la fiscalité pesant sur l’électricité.
En basant le financement du soutien aux ENR sur une taxe prélevée sur des produits pétroliers quand le prix du baril est exceptionnellement bas, les hausses prévues de la taxation des produits pétroliers sont relativement indolores. Mais ce contexte peut évoluer. Une hausse du prix du pétrole est possible et si elle devenait significativement importante, alors le Gouvernement devrait arbitrer entre la vertu climatique de ce dispositif et le maintien du pouvoir d’achat des consommateurs de produits pétroliers. C’est pourquoi, comme le montre l’UFE dans ses études, il est essentiel de cibler en priorité les actions d’Efficacité Energétique vers les consommateurs de pétrole.
Ainsi, l’UFE salue la mise en place d’un dispositif vertueux (faire peser le poids du financement des ENR sur les énergies les plus carbonées) et dans le sens des accords de Paris. Mais il introduit de l’incertitude d’une part dans la pérennité du financement des ENR électrique du fait de la volatilité des cours du pétrole qui pourrait mettre en tension un futur Gouvernement. Mais plus encore, il laisse de l’incertitude sur le coût futur d’une énergie qui s’était jusqu’alors distinguée par la prévisibilité de ses prix pour les consommateurs particuliers.
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