18 novembre 2018
Appels d’offres multi-technologies renouvelables : la fausse bonne idée
L’été dernier, le gouvernement a lancé un appel d’offres pour 200MW de moyens de production éolien ou photovoltaïque en France continentale. Pour la première fois en France, des projets sur deux technologies différentes étaient ainsi mises en concurrence au sein d’un même appel d’offres. Une « expérience » dont les résultats montrent qu’il ne faut pas la généraliser.
En passant cet appel d’offres le gouvernement souhaitait tester en grandeur réelle la réalisation d’appels d’offres tendant vers la neutralité technologique. Rendre obligatoire ce type particulier d’appels d’offres a en effet été un temps envisagé par la Commission européenne dans le cadre de l’élaboration du paquet « Une énergie propre ». Suite à l’opposition de plusieurs Etats-membres, dont la France, ceux-ci conserveront la possibilité de limiter les appels d’offres à certaines technologies spécifiques dans la révision de la directive énergies renouvelables adoptée ce 13 novembre par le Parlement européen.
Plusieurs expérimentations : un seul résultat
Ce type d’appel d’offres, consistant à mettre en concurrence les projets de plusieurs technologies de production d’électricité sur l’unique critère du coût de production, a été expérimenté dans plusieurs pays de l’UE. Les deux plus marquants en Allemagne et en France aboutissent au même résultat : la totalité des lauréats sont des projets photovoltaïques, ce qui reflète la très forte baisse des coûts de la filière. Si on ne compare les nouveaux projets EnR que sur le coût de production, les installations photovoltaïques semblent pour l’instant les plus performantes.
Seulement, une telle comparaison a-t-elle vraiment un sens ? Comme l’a écrit à maintes reprises l’UFE, si le critère du coût de production est évidemment à prendre en compte, il ne peut être le seul. Bien des aspects ne sont pas intégrés dans le calcul d’un simple LCOE (Levelised Cost Of Electricity, ou coût moyen pondéré de l’électricité). La pilotabilité du moyen de production ou encore la variabilité et la saisonnalité de la production sont autant d’exemples de paramètres que ne représentent pas le coût de production. Il faut le répéter : c’est mal comprendre le fonctionnement d’un système électrique que d’espérer la meilleure performance économique globale en choisissant les moyens de production sur la seule base de leur coût de production pris isolément. En poussant la logique à l’extrême, un mix électrique obtenu uniquement par des appels d’offres multi-technologies, conduisant en pratique à ne développer que du photovoltaïque, serait en réalité très cher à cause des coûts de stockage à ajouter pour compenser une production entièrement dépendante de l’ensoleillement.
Il faut tirer toutes les conséquences de cette expérience !
C’est actuellement que se dessine le mix électrique des prochaines années au travers de la PPE qui devrait être publiée dans les prochaines semaines. Le gouvernement doit être attentif dans ses choix aux multiples équilibres en jeu dans les trajectoires de mix de production. Ils sont techniques évidemment, mais il doit aussi tenir compte des capacités industrielles de développement pour chaque filière, des impacts socioéconomiques, du coût pour la collectivité … La qualité d’un bon mix électrique se mesure par la complémentarité entre les énergies et la capacité à passer les moments les plus difficiles. Les outils de production ne sont d’ailleurs pas le seul critère à regarder, il faut examiner l’ensemble des solutions de flexibilité du système électrique (réseaux, interconnexions, maitrise de la demande, capacités d’effacement).
La PPE fixera les contributions cibles de chaque filière au bouquet de production. Pour atteindre ces cibles, il faudra rester dans la logique actuelle, à savoir lancer des appels d’offres au sein de chaque technologie renouvelable tant que les niveaux de développement constatés sont inférieurs aux objectifs et dans l’intérêt du système global.
D’autres leviers existent pour minimiser le coût de la transition énergétique
Si les appels d’offres multi-technologies regroupant des filières aux caractéristiques hétérogènes sont à proscrire, l’intention de chercher à tirer les coûts vers le bas pour le consommateur est évidemment louable. Une des meilleures solutions pour cela est d’apporter de la visibilité aux industriels, justement grâce à un programme clair d’appels d’offres mono-technologies ! En effet, le coût du capital étant une part très importante du coût des EnR, les engagements pluriannuels de l’Etat sur les volumes développés sont un facteur-clé de baisse des coûts, tout en permettant, au sein de chaque technologie, une saine concurrence entre les acteurs afin de retenir les projets les plus compétitifs.
D’autres leviers existent, bien identifiés mais sur lesquels il y a encore beaucoup à faire, comme celui de desserrer de trop nombreux freins administratifs. Ces freins, qui soulignent parfois un manque de cohérence entre les politiques environnementales et énergétiques, coûtent chers aux projets et donc in fine aux consommateurs qui supportent le coût de leur soutien public. Les coûts de raccordement de productions d’énergie variable et de renforcement de réseaux pourraient également être largement optimisés en étendant aux raccordements d’énergies variables la même souplesse que celle accordée aux productions conventionnelles.
Le maintien de la possibilité d’appels d’offres ciblés par technologie a finalement été sauvegardée dans la nouvelle directive EnR qui devrait être approuvée par le Conseil et le Parlement européens. Mais il ne faut pas croire que le sujet soit clos pour de bon. L’UFE restera mobilisée pour faire preuve de pédagogie, rappeler les fondamentaux du système électrique et proposer les meilleurs moyens d’action pour un développement accéléré et à moindre coût des EnR.
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