Le prix du CO2, nerf de la guerre contre le réchauffement climatique, grand absent de la COP21

En dépit des nombreux efforts de diplomatie déployés par les négociateurs français, la dynamique de la COP 21 semble s’essouffler au Bourget. Et pour cause, la lutte contre le réchauffement climatique génère d’immenses inégalités de redistribution : la réduction des émissions de CO2 a des conséquences très différentes selon les économies. Ainsi, la propension à coopérer des Etats présents à la table des négociations varie à la fois selon l’impact du réchauffement climatique sur leur économie, leur responsabilité historique dans les émissions de CO2, leurs dispositions financières, et les efforts des autres pays. Toutefois, la conciliation de ces enjeux d’ordre géopolitique est indispensable pour établir des objectifs contraignant de réductions émissions de CO2.

Si l’enjeu de la COP21 est la lutte contre le changement climatique, en revanche, ce n’est pas à la COP que seront discutés les moyens permettant d’atteindre les ambitions, coercitifs ou non, que se seront fixé les Etats. En effet, il ne sera pas d’actualité de décider des mécanismes de réduction des émissions de CO2. Or, sans intervention concrète des Etats pour inciter à la réduction des émissions de CO2, les accords trouvés risquent de s’avérer complètement inopérants. Au lendemain de la COP 21, la question du prix du CO2 sera donc inévitable pour les Etats qui n’ont pas déjà instauré une taxe et/ou ne participent pas à un système d’échange de quotas, ces instruments étant ceux qui permettent de concourir à diminuer des émissions de CO2 au moindre coût.

De l’importance d’un prix international du carbone élevé

Au niveau mondial, le gisement de réduction des émissions de CO2 le plus accessible et le plus important réside dans la production d’électricité, celle-ci étant, selon l’AIE, au niveau mondial, produite à 42% à partir du charbon. Or, le charbon est la source de production d’électricité la plus émettrice de CO2. La production d’électricité à partir de charbon représente ainsi 30% des émissions de CO2 mondiales. La substitution du charbon ne pourra se faire sans un prix du C02 significatif. En Europe, un prix du CO2 autour de 32€/t permettrait la substitution du charbon par le gaz puis par les ENR à plus de 50€/t. Ce niveau de prix diffère à travers le monde selon les prix relatifs des énergies.

Si ce niveau de prix a un sens pour le secteur électrique, il n’est pas suffisant pour réduire les émissions de CO2 de tous les secteurs. Dans le secteur des transports, par exemple, les coûts des technologies alternatives ne permettent pas d’envisager une réduction des émissions immédiatement. En revanche, un signal prix de long terme permettrait aux acteurs d’anticiper l’évolution du prix du CO2 et donc d’investir dans la R&D afin de développer des technologies bas carbone compétitives à terme.

Au-delà des enjeux géopolitiques de redistribution entre les Etats, la tarification du CO2 sur l’ensemble de la planète sera absolument essentielle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Des signaux de prix clairs, de long terme et appliqués à tous les acteurs conditionneront le succès de la réduction des émissions de CO2. C‘est pourquoi, on peut regretter qu’en l’état le projet d’accord présenté, samedi midi, par Laurent Fabius à la COP21, soit insuffisant. En effet, s’Il contient potentiellement des avancées – qu’on jugera à la fin de la semaine au regard des nombreuses options qui restent à lever – il est dommage qu’aucun cadre de cohérence permettant de mettre en place un signal prix carbone à l’échelle mondiale n’ait été intégré.

Pour en savoir plus : Note de conjoncture “Prix européen du CO2 et système électrique”